CHARLES JOURNET
Professeur au Grand Séminaire de Fribourg
LA MESSE : PRÉSENCE DU SACRIFICE DE LA CROIX
TEXTES ET ÉTUDES THÉOLOGIQUES
NIHIL OBSTAT :
Friburgi Helv,, die 15 lanuarii 1957
H. MARMIER, censor
IMRRIMATUR :
Friburgi Helv. die ig Januarii 1957
R. PITTET, vg
TABLE DES MATIERES :
CHAPITRE PREMIER – L’UNIQUE SACRIFICE REDEMPTEUR
CHAPITRE II - LA PRESENCE NON SANGLANTE OU SACRAMENTELLE A LA CENE ET A LA MESSE DE L’UNIQUE SACRIFICE REDEMPTEUR DOCTRINE REVELEE ET INNOVATION PROTESTANTE
CHAPITRE III - LE SACRIFICE NON SANGLANT DE LA CENE
CHAPITRE IV - LE SACRIFICE NON SANGLANT DE LA MESSE
CHAPITRE V - L’OFFRANDE DE LA MESSE
CHAPITRE VI - LA VALEUR INFINIE DE LA MESSE
CHAPITRE VII - LA TRANSSUBSTANTIATION
CHAPITRE VIII - LA COMMUNION
CHAPITRE IX - LES CADRES DE LA MESSE
ANNEXE 1 - DEUX DOCUMENTS PONTIFICAUX
ANNEXE II- APPROCHES THEOLOGIQUES DU MYSTERE
II. LA THEOLOGIE POST TRIDENTINE : PRINCIPAUX TYPES DE SOLUTIONS
INTRODUCTION
CHAPITRE PREMIER - L'UNIQUE SACRIFICE RÉDEMPTEUR
1. Un univers de rédemption
a) L’hypothèse d’un univers de nature
b) La révélation d’un univers de rédemption
c) Catastrophe et rédemption : leur constante imbrication existentielle
d) La survenance du péché permet l’apparition d’un monde au total meilleur
e) La grâce du Christ avant le Christ
2. Pourquoi le salut par la rédemption. ?
b) Pourquoi une telle souffrance du Christ ?
c) Le contemplatif et la rédemption
3. l’Heure de Jésus
a) Jésus l’annonce
b) Elle le préoccupe
c) Elle résume sa vie temporelle
d) Elle récapitule l’histoire du monde
e) Elle s'ouvre sur la Résurrection et l’Ascension
f) Elle est dans le temps, mais domine le temps par voie soit d’anticipation soit de dérivation
4. La médiation ascendante et la médiation descendante du Christ-Prêtre
5. La médiation du Christ en Croix est simultanément un sacrifice et un acte d’amour
a) Sacrifice et acte d’amour
b) Le Christ consacré comme Prêtre dans la ligne du culte et comme Saint dans la ligne de l’amour
6. Les quatre fins du sacrifice de la Croix
7. Le sacrifice rédempteur est offert une fois pour toutes, mais pour être sans cesse actualisé
8. Le Christ, Prêtre selon l’ordre de Melchisédech Le sacerdoce et le sacrifice du Christ effacent le sacerdoce et les sacrifices de la Loi ancienne
9. l’unique sacrifice rédempteur récapitule en ce qu'elle a de valable l’offrande des hommes de tous les temps
a) Récapitulation rétrospective
b) Récapitulation prospective
10. Le sacrifice de la Croix ne va pas sans participation de l’humanité
11. La participation de la Vierge et de saint Jean au sacrifice de la Croix
CHAPITRE II - LA PRÉSENCE NON SANGLANTE OU SACRAMENTELLE A LA CÈNE ET A LA MESSE DE L’UNIQUE SACRIFICE RÉDEMPTEUR DOCTRINE RÉVÉLÉE ET INNOVATION PROTESTANTE
1. L’enseignement de l’Écriture : l’événement du sacrifice sanglant et l’institution du s acrifice non sanglant
a) Unicité et non réitérabilité du sacrifice rédempteur b) Nécessité de réitérer le sacrifice non sanglant institué à la Cène
2. La nécessité de reproduire le sacrifice de la Cène est-elle compatible ou incompatible avec la perfection de l’unique sacrifice de la Croix ?
a) Deux conceptions adverses des rapports de la Croix et de la Messe
b) La Messe juxtaposée à la Croix
c) La Messe subordonnée à la Croi
3. La doctrine du concile de Trente sur l’identité essentielle et la différence modale du sacrifice à la Croix et à la Messe
a) Vue d’ensemble
b) Les textes
c) Conclusion
4. La signification générale de l’innovation luthérienne
a) La Messe n'est-elle qu'une promesse, pareille à celles de l'Ancien Testament, mais plus parfaite ?
b) Le sacrifice rédempteur est‑il rejoint comme présent par voie de contact, ou comme absent par voie de souvenir ?
c) Méconnaissance du changement apporté par la Loi nouvelle dans l'économie du salu t
5. L’Église confesse dès le début le mystère de l’unité du sacrifice à la Croix, à la Cène, à la Messe
a) Justin et Irénée
b) Hippolyte de Rome et Cyprien de Carthage
c) Cyrille de Jérusalem
d) Grégoire de Nazianze et Jean Chrysostome
e) Ambroise
CHAPITRE III - LE SACRIFICE NON SANGLANT DE LA CÈNE
1. Deux économies du monde, selon que le sacrifice rédempteur est attendu ou possédé
2. Le sacrifice sanglant de la Croix est commencé quand la Cène est instauré
3. La Cène multiplie, non le sacrifice sanglant, mais son mode de présence
4. La Cène est un sacrifice au sens vrai et propre
5. Le témoignage de saint Cyprien : on offre dans l'Église le sacrifice de la Cène et de la Passion
6. Le sacrifice non sanglant est, à la Cène, l’effet exclusif du Christ ; à la Messe, l’effet principal du Christ et ministériel des prêtres
7. La transsubstantiation est une offrande non sanglante faite à la Cène par le Christ seul ; à la Messe par le Christ et ses prêtres
8. La Cène ordonnée à la Messe
9. La doctrine du concile de Trente sur la Cène
10. Pâque juive, Pâque chrétienne, Pâque céleste
11. La Pâque chrétienne, mystère messianique et eschatologique
CHAPITRE IV - LE SACRIFICE NON SANGLANT DE LA MESSE
1. Vue de foi et question théologique
a) Vue de foi
b) Question théologique
2. Présence substantielle du Christ prêtre et victime et présence opérative de son acte sacrificiel
a) Présence substantielle et présence opérative
b) Présence substantielle et présence opérative de Dieu
c) Présence substantielle et présence opérative du Christ en tant qu'homme
d) Présence opérative de l’unique acte sacrificiel rédempteur à la Croix, à la Cène, à la Messe
3. Le Christ à la Messe est dans son état glorieux
4. Le sacerdoce éternel du Christ céleste
a) Les textes scripturaires
b) Trois manières dont le sacerdoce du Christ est éternel
5. Le Christ glorieux est présent à la Messe avec son acte rédempteur
6. l’interposition de la Croix
7. Actes éternels et actes transitoires du Christ
8. Comment l’acte sacrificiel rédempteur de la Croix est à la fois dans le temps et au-dessus du temps
a) Il est dans le temps et au-dessus du temps
b) L’acte rédempteur récapitule d’avance l'économie nouvelle
c) La Messe est l’entrée existentielle d’une génération dans le drame de la Passion, où sa place était marquée d’avance
d) Deux présences au sacrifice de la Croix, l’une temporelle, l’autre de contact spirituel
e) La présence spirituelle est enveloppée dans le rite non sanglant
9. Le sacrifice non sanglant ne se substitue pas, mais se subordonne au sacrifice sanglant ; il multiplie non ce sacrifice, mais ses présences
10. La Messe et les sacrements
a) Médiation ascendante et supplication
b) Médiation descendante et bénédiction
11. Nécessité d’une présence permanente du sacrifice de la Croix
12. La pensée de saint Thomas d’Aquin
a) Deux voies : Pour ou contre l’efficience continue de l’acte rédempteur
b) La Passion du Christ nous touche malgré la distance des temps par un contact spirituel
c) La Messe nous fait entrer dans le drame de la Passion et de l’immolation sanglante du Christ
d) Elle nous communique le sacrifice unique du Christ
e) La voie ouverte par saint Thomas et la voie divergente
13. Analyse de la doctrine de Cajetan
a) La même hostie est offerte sous des modes différents, l’un sanglant, l’autre non sanglant, à la Croix et à la Messe.
b) Le mode non sanglant ne se juxtapose pas, mais se subordonne au mode sanglant ; d’où l'unicité du sacrifice à la Croix et à la Messe
c) Le sacrifice n'est pas répété, mais persévère par la répétition du rite non sanglant
d) Conclusions
14. La vision centrale de Melchior Cano
15. Un texte de Bossuet
16. La Messe est un « renouvellement » du sacrifice non sanglant de la Cène, et une « perpétuation » du sacrifice sanglant de la Croix
17. Sur un texte de Marguerite de Veni d’Arbouze
CHAPITRE V - L'OFFRANDE DE LA MESSE
1e SECTION - QUI OFFRE LA MESSE ?
1. La Messe sacrifice du Christ ou sacrifice de l'Église ?
2. La participation de l’Église au sacrifice sanglant de la Croix
3. La participation de l’Église au sacrifice non sanglant de la Cène
4- Ce qu'est la Messe
5. Qui offre la Messe dans la ligne cultuelle ?
a) Sacrifice sanglant et sacrifice non sanglant
b) La part du Christ dans l’offrande cultuelle non sanglante
c) La part de lÉglise et de ses prêtres dans l’offrande cultuelle non sanglante
d) La part de lÉglise et de ses fidèles dans l'offrande cultuelle non sanglante
e) Peut-on parler d’une « concélébration des fidèles » ?
6. Qui offre la Messe dans la ligne de l’amour rédempteur ?
a) L’union cultuelle est ordonnée à l’union sanctifiante
b) l’ordre de supplication et l’ordre de bénédiction
c) Les derniers dans le culte peuvent être les premiers dans l’amour
d) Le rôle personnel et le rôle ministériel du prêtre dans l’offrande sanctifiante
e) Un texte de l’encyclique « Mediator Dei »
7. « ... En mémoire de moi »
a) La mémoire du culte et la mémoire de l’amour
b) l’Encyclique « Mediator Dei »
c) Un texte contemporain
8. l’Église du ciel
a) Les anges
b) Les saints
IIe SECTION - CE QU'ON OFFRE A LA MESSE
1. Multiplicité et unité de l’offrande
2. Tout monte vers l’offrande du Christ ou descend d’elle
a) L’offrande du pain et du vin
b) L’offrande du Christ
c) L’offrande de l’Église
d) Un texte de Leibniz
CHAPITRE VI - LA VALEUR INFINIE DE LA MESSE
1. La source est infinie, la participation est finie
2. La doctrine de saint Thomas
a) La Passion, Cause universelle du salut, doit être cependant appliquée par la foi et les sacrements
b) Il faut parler de la Messe comme de la Passion : elle est infinie, mais participée d’une manière finie
3. Efficacité de la Messe quant à la validité
a) Le Christ se rend présent à la Messe malgré l’indignité du ministre ; conJijë~ée par rapport au ministre., la Messe est donc efficace « ex opere operato »
b) La Messe est une offrande pure et sans souillure, quel qu'en soit le ministre (jer sens). Texte du concile de Trente sur la prophétie de Malachie
4. Efficacité de la Messe quant à la sainteté : 1° médiation ascendante
a) Le Christ actualise à la Messe l’offrande qu'il a faite de nous sur la Croix
b) Participation à l’offrande de la Messe par la foi et la charité de l’Église intercédant pour les justes et les pécheurs : l’efficacité est dite « ex opere operantis Ecclesiae »
c) Cette participation est variable mais infaillible
d) La Messe est une offrande pure et sans souillure, en tant qu'offerte par lÉglise sans tache (2e sens).
e) Participation à l’offrande de la Messe par la communion sacramentelle ; considérée par rapport à ceux qui communient, l’efficacité est dite « e~ 9pere operato »
5. Efficacité de la Messe quant à la sainteté : 2° médiation descendante
6. La terminologie de Cajetan : l’effet de la Messe est infini quant à la suffisance « ex opere operato » ; il est fini quant à l’application « ex opere operantis »
7. Application et fruits de la Messe
8. Quels sont les fruits de la Messe, ou pour qui la Messe est-elle offerte ?
a) La Messe peut être appliquée sur trois plans
b) Offrande de l’Église pour une intention universelle
c) Offrande du prêtre en tant que ministre de l’Église pour une intention spéciale
d) Offrande de chaque prêtre ou fidèle pour une intention particulière
9. Un texte des « Provinciales » sur la différence entre la Messe et la Croix
10. Les Messes en l’honneur des saints
11. Les aumônes de Messe
12. Les abus
CHAPITRE VII - LA TRANSSUBSTANTIATION
1. La promesse de l’Eucharistie
a) Le récit de saint Jean est centré sur l’institution future de la Cène
b) Les miracles de la « Pâque du Pain de vie » annoncent le miracle de la dernière Pâque
c) Le Pain de vie est le Dieu d’Amour qui s'incarne, se sacrifie et nous invite à participer à son sacrifice par la foi et la manducation
d) Jésus achemine ses disciples vers une révélation dont l’explicitation aurait alors été prématurée
e) « La chair ne sert de rien ... »
2. l’institution de l’Eucharistie
a) Les textes évangéliques
b) Le texte de saint Paul
c) Les textes de la tradition liturgique
3. La divination de l’Eglise
4. De la présence,, réelle ou corporelle du Christ à la transsubstantiation
a) La connaissance des apôtres est plus parfaite que la connaissance, initiale de l’Église
b) l’intuition-mère initiale de l’Église d'où sortira tout le dogme eucharistique
c) Comment se fera le développement de ce dogme
d) En quel sens ce dogme a-t-il toujours été cru ?
5. Les cinq premiers siècles de l’Église
b) Ambroise
c) La pensée d’Augustin
d) Cyrille d’Alexandrie
6. De l’âge patristique au concile du Latran
a) Le travail des théologiens et le rôle du magistère
b) Trois points principaux sur lesquels porte l’élaboration théologique
7. La transsubstantiation définie au concile du Latran et au concile de Trente
8. La formulation technique du dogme
a) Le dogme de la transsubstantiation, comme les dogmes christologiques et trinitaires, donne de la foi une formulation technique, sans pourtant l’asservir à aucun système
b) La réalité qu'il définit est saisie soit au niveau de la connaissance spontanée du croyant, soit au niveau de la connaissance élaborée du théologien
c) Pas d’inféodation du dogme à une culture
9. La notion technique de transsubstantiation peut être rendue accessible dans une certaine mesure au sens commun
a) Ce qu'est la matière pour le philosophe et pour le physicien
b) La substance et les transformations substantielles
10. La présence sacramentelle ou par mode de substance
a) Elle est consécutive à la transsubstantiation
b) C'est une « présence dans le lieu », mais tout le contraire d’une « présence locale »
c) La notion de présence est analogique, proportionnelle
d) Elle est définie par le concile de Trente
11. Les conséquences de la présence sacramentelle ou par mode de substance
a) Le corps du Christ n'est pas multiplié
b) Il n'est pas divisé
c) Il cesse d’être présent dès que les espèces sont altérées
d) Il est sous les espèces tel qu'il est en lui-même
e) La présence en vertu des paroles et la présence par concomitance
12. Le fondement révélé de toute cette doctrine
13. Le protestantisme qui rompt avec la transsubstantiation se divise au sujet de la présence réelle
a) Luther
b) Zwingli
c) Calvin
d) Calvin échoue à concilier les luthériens et les zwingliens
e) L’équivoque : la présence de signe donnée comme présence réelle
f) Le Christ aurait parlé en images
14. Est-il possible de garder la présence réelle en rejetant la transsubstantiation ?
15. « Dieu a tant aimé le monde qu'il lui a donné son Fils unique »
a) Est-ce en image ou en vérité ?
b) Le scandale de la prédication chrétienne
c) La révélation de l’Eucharistie n'est qu'un moment du mystère chrétien
16. Deux témoignages
a) Anne de Gonzague de Clèves
b) La Messe là-bas
CHAPITRE VIII - LA COMMUNION
1. La communion au Christ crée la communion entre ses membres
a) Le texte de l’apôtre : un seul pain, un seul corps
b) Communier, c'est s'associer au mouvement transsubstantiateur qui va du pain et du vin au Christ
2. Le signe sacramentel, et le signifié
a) Les espèces sont pur signe, le Christ est réalité et signe, le Corps mystique est pure réalité
b) Le Christ sacramenté est le bien commun de l’Église entière
c) Il est cause de l’unité de l’Église
d) Le réalisme sacramentel est garant du réalisme ecclésial, et réciproquement. La contre-épreuve protestante
3. Les trois manières de communier
a) La communion spirituelle et sacramentelle
b) La communion seulement sacramentelle des pécheurs
c) La communion seulement spirituelle par le désir
d) Ces trois manières de communier sont distinguées par le concile de Trente
e) Saint François d’Assise et l’Eucharistie
4. Le contact sensible avec les espèces et le contact spirituel avec le Christ
a) l’union fugitive par manducation est le symbole et la cause « ex opere operato » de l’union durable de charité
b) Rencontrer Jésus, c'est rencontrer la Trinité
5. l’incorporation au Christ par le Baptême et par l'Eucharistie
a) L’incorporation initiatique du Baptême
b) L’incorporation plénière de l’Eucharistie
c) Le caractère eschatologique de l’Eucharistie
d) Le désir de corédemption chez Marie de l’Incarnation et chez sainte Catherine de Sienne
e) Saint Jean de la Croix et saint Benoît-Joseph Labre
6. Le triple symbolisme de l’Eucharistie nous découvre ses effets
a) Le pain et le vin indiquent le corps et le sang du Christ
b) Le pain et le vin indiquent une nourriture et un réconfort
c) Le pain et le vin indiquent une union du multiple
d) l’Eucharistie donne la vie éternelle et efface le péché
e) Les raisons de l’institution de l’Eucharistie selon le concile de Trente
f) Les trois oraisons du Missel avant la communion
g) « Postcommunion »
7. La communion sous une ou deux espèces
a) La communion sous une seule espèce ne se justifie que dans la perspective de la présence réelle
b) Le symbolisme sacramentel est sauvegardé dans la communion sous une seule espèce
c) Dès lors la question relève non du droit divin, mais du droit ecclésiastique
d) Les diverses disciplines de l’Église
e) Les décisions du concile de Constance et du concile de Trente
f) Un texte de L. Duchesne
8. La sainte réserve
9. « Les voiles qui couvrent Dieu »
10. l’Église se resserre instinctivement autour de la présence réelle
a) Deux inscriptions du IIe siècle
b) Deux saints médiévaux : Thomas d’Aquin et Nicolas de Flue
c) Les temps modernes : Thérèse d’Avila et Charles de Foucauld
d) Conclusion : la Croix et la gloire
CHAPITRE IX - LES CADRES DE LA MESSE
1. Les noms de la Messe
a) Les noms premiers : fraction du pain, eucharistie, sacrifice
b) Les noms secondaires : chose du Seigneur, liturgie, syntaxe, messe
c) Le sens du mot Messe
2. Les cadres de la Messe aux premiers siècles
a) La première Cène et le cadre de la Pâque juive
b) Premières réunions eucharistiques : Nouveau Testament, Didachè, Ignace d’Antioche, Justin
c) l’anaphore d’Hippolyte
3. Rits et langues liturgiques
a) L’origine des rits liturgiques
b) La pluralité des rits dans l’unité de l’Église
c) Rit latin et rit byzantin
d) l’emploi des langues hiératiques en liturgie
e) Le latin et les langues modernes
4. Le cadre romain actuel du mystère de la Messe
a) La liturgie catéchétique de l’avant-messe
b) La liturgie sacrificielle de la Messe
5. La transcendance du mystère et les tensions liturgiques
a) Dilemmes liturgiques
b) Liturgie et dogme
c) Douceur du sacrifice non sanglant
6. Les églises
a) L’église maison du peuple chrétien TOC \o "1-3" \h \z
b) L’église plus encore maison du Christ
ANNEXE 1 - DEUX DOCUMENTS PONTIFICAUX
A. - l’ENSEIGNEMENT DE l’ENCYCLIQUE « MEDIATOR DEI » SUR LA NATURE ET SUR l’OFFRANDE DE LA MESSE
B. - ALLOCUTION DE S. S. PIE XII AU CONGRÈS INTERNATIONAL DE LITURGIE PASTORALE
1. La Liturgie et l’Église
2. La Liturgie et le Seigneur
ANNEXE II - APPROCHES THÉOLOGIQUES DU MYSTÈRE
1. L’ENQUÊTE MÉDIÉVALE
1. De Paschase Radbert à Pierre Lombard
2. Pierre Lombard
3. Albert le Grand
4. Conclusion
Il. LA THEOLOGIE POSTTRIDENTINE : PRINCIPAUX TYPES DE SOLUTIONS
1e type. - Théories cherchant dans la Messe une destruction sacrificielle distincte de celle de la Croix : Bellarmin, Salmanticenses, De Lugo, Lessius.
2e type. - La Messe est un sacrifice numériquement et spécifiquement distinct du sacrifice de la Croix. Suarez
3e type. - La Messe, sacrifice de l’Église s'appropriant le Christ céleste . : De la Taille, Lepin
4e type. - l’offrande invisible du Christ glorieux sacramenté, jointe à un signe extérieur d’immolation, suffit à constituer un sacrifice propre et réel : Billot, Garrigou-Lagrange
5e type. - La Messe est une présence du sacrifice de la Croix par mode de représentation et d’application : Vonier, Lépicier, E. Masure, G. Rohner
Chaque fois que la commémoration de cette hostie est célébrée, l’oeuvre de notre rédemption s'accomplit.
MISSEL ROMAIN
La célébration de ce sacrement est appelée immolation du Christ en raison de l’effet de la Passion du Christ ; car par ce sacrement nous devenons participants du fruit de la Passion du Seigneur.
SAINT THOMAS d’AQUIN
Une unique hostie, offerte une seule fois sur la Croix, qui persévère par mode d’immolation, par la répétition quotidienne du rite institué par le Christ dans l’Eucharistie...
La Messe est célébrée non pour rien ajouter à l’offrande de la Croix, mais comme le véhicule de la rémission des péchés opérée par le Christ sur la Croix.
CAJETAN
Bien que l’offrande et l’immolation externe sanglante soit passée , cependant elle demeure dans l’acceptation de Dieu et garde perpétuellement sa vertu ; en sorte qu'elle n'est pas moins efficace aujourd'hui devant le Père qu'au jour où le sang du Christ s'est échappé de la plaie de son côté. Nous offrons donc avec le Christ l’hostie même de la Croix, tout comme ceux qui se tenaient au pied de la Croix.
MELCHIOR CANO
Un sacrifice... qui nous applique la vertu salutaire du sacrifice sanglant de la Croix, pour la rémission des péchés que nous commettons chaque jour.
CONCILE DE TRENTE
Ce n'est pas ici un supplément du sacrifice de la Croix ; ce n'en est pas une réitération, comme s'il était imparfait. C'en est, au contraire, en le supposant très parfait, une application perpétuelle... une célébration continuée.
BOSSUET
La disposition divine du Rédempteur a voulu que le sacrifice consommé en une fois sur la Croix fût perpétuel et ininterrompu.
LÉON XIII
Perpétuellement les hommes ont besoin du sang du Rédempteur pour détruire les péchés qui offensent la justice divine.
Le sacrifice de l’autel est comme l’instrument suprême par lequel les mérites de la Croix sont distribués aux fidèles.
ENCYCLIQUE MEDIATOR DEI
INTRODUCTION |
La première donnée de la foi est que, sans préjudice des vérités, voire des vraisemblances, que peut recouvrir une vision évolutive du monde, il est néanmoins divinement certain que nous vivons non pas dans un univers de nature, mais dans un univers de rédemption. Toute l’histoire religieuse de l’humanité à partir du lendemain de la catastrophe originelle est réassumée, récapitulée dans le sacrifice que le Christ avec un grand cri et des larmes viendra offrir pour elle à Dieu sur la Croix. Ce sacrifice unique ne pourrait pas récapituler la destinée humaine s'il ne l’attirait en sa participation, d’abord par anticipation, pour les temps antérieurs à la Croix, ensuite plus intimement, plus mystérieusement, par dérivation, pour les temps postérieurs à la Croix
(Chapitre I).
Le sacrifice rédempteur est unique : l’Epître aux Hébreux y insiste. Mais voici que le Sauveur lui-même a prescrit de réitérer en mémoire de lui et jusqu'à ce qu'il revienne ce qu'il a fait à la Cène. Et qu'a-t-il fait ? Il a changé le pain en son corps donné pour nous, le vin en son sang répandu pour la multitude en vue de la rémission des péchés ; il a invité les apôtres à s'unir par la communion à ce corps donné, à ce sang répandu : à la manière, précisera saint Paul, dont Israël s'unit aux victimes offertes au vrai Dieu et les Gentils aux victimes offertes aux idoles. Il y avait donc à la Cène sacrifice, et union au sacrifice par la communion. Ainsi, la Croix offre un sacrifice unique ; la Cène offre un sacrifice vrai et propre. Ces deux affirmations de la foi sont-elles conciliables ? Voilà le problème. On peut le supprimer, dire qu'à la Cène il n'y a ni sacrifice ni communion au sacrifice, mais seulement promesse de rémission des péchés, et tout devient très simple. Mais si l’on veut garder les deux données scripturaires avec la profondeur de leur mystère, comment les concilier ?
(Chapitre II).
Le sacrifice rédempteur unique est commencé la nuit où le Sauveur est livré et où la Cène est instaurée. Les paroles transsubstantiatrices de la Cène instituent non un autre sacrifice, mais une autre présence de ce même sacrifice : il était présent naturellement, sous ses apparences propres, il devient en outre présent sacramentellement, sous les apparences étrangères du pain et du vin. La Cène est un sacrifice vrai et propre parce qu'elle rend présent, sous des apparences non sanglantes, le Christ avec la réalité même de son sacrifice sanglant
(Chapitre III).
A la Cène, le même prêtre, la même victime, le même acte sacrificiel sont deux fois présents, d’abord sous leurs apparences propres, ensuite sous des apparences empruntées. A la Messe, il y a pareillement, sous les espèces du sacrifice non sanglant, le concile de Trente le rappelle, le même prêtre et la même victime qu'à la Croix ; y a-t-il en outre aussi le même acte sacrificiel qu'à la Croix ? l’explication de la doctrine eucharistique a précisé que chaque hostie consacrée est le Christ parce que la transsubstantiation multiplie dans l’espace les présences réelles substantielles du Christ unique ; pourra-t-elle préciser proportionnellement que chaque Messe est un acte sacrificiel vrai et propre parce qu'elle multiplie dans le temps les présences réelles efficientes, opératives de l’unique sacrifice rédempteur ? De ce point de vue, voici comment les choses se présenteront. On dira qu'à la Messe c'est le Christ glorieux qui vient à nous, mais pour nous rencontrer à travers sa Croix. Les apparences sacramentelles nous apportent la présence réelle substantielle du Christ glorieux et la présence réelle opérative de son sacrifice sanglant. Le Christ glorieux ratifie éternellement au ciel l’unique sacrifice rédempteur par lequel il a voulu sauver tous les hommes, d’abord par anticipation, dans l’ancienne économie du salut, ensuite et plus intimement, par dérivation, dans la nouvelle économie. Quand il vient à nous au moment même où la transsubstantiation réitère le sacrifice non sanglant de la Cène, c'est pour nous toucher à travers la Croix, c'est pour valoriser et actualiser pour nous son unique sacrifice rédempteur, toujours présent et actuel au regard de Dieu, dans lequel sont précontenues toutes les grâces de la nouvelle économie du salut. Mais l’acte sacrificiel rédempteur n'est-il pas révolu ? S'il est toujours présent à l’éternité divine, peut-il nous être présent à nous qui sommes entraînés par le flux du temps ? La réponse est que cet acte est par rapport à nous, sous des aspects différents, à la fois révolu et présent, dans le temps et au-dessus du temps. Dans le temps : il est un moment irréversible, de la vie temporelle du Christ. Au-dessus du temps : touché par la divinité il est capable d’atteindre par sa vertu spirituelle, son contact, sa présence toute la suite des générations au fur et à mesure de leur arrivée à l’existence. Chaque consécration, renouvelant le sacrifice non sanglant de la Cène, rend présent substantiellement le Christ maintenant glorieux ; mais les espèces sacramentelles du pain et du vin, qui rappellent le corps du Christ donné pour nous et son sang répandu pour nous, manifestent et témoignent que la grâce cachée en chaque Messe est la grâce même de la rédemption, un rayon de la rédemption. Comme la Cène, la Messe est un sacrifice vrai et propre : non un autre sacrifice que l’unique sacrifice rédempteur, mais une autre présence à nous, une présence sacramentelle, de cet unique sacrifice, Le sacrifice non sanglant ni ne se juxtapose ni ne se substitue au sacrifice sanglant, il se subordonne à lui pour en véhiculer la vertu jusqu'à nous. Multiplier les Messes, c'est multiplier les points d’application parmi nous, les présences réelles opératives parmi nous de l’unique sacrifice rédempteur : « Chaque fois que la commémoration de cette hostie est célébrée, l’œuvre de notre rédemption s'accomplit »
(Chapitre IV).
Si la Messe est, par la répétition du sacrifice non sanglant institué à la Cène, l’entrée existentielle plénière de l’Église, à chacun de ses moments, dans le sacrifice rédempteur sanglant de la Croix, où sa place est marquée d’avance, à la première question : Qui offre la Messe ? Il faut répondre en distinguant d’abord l’offrande primordiale, enveloppante, infinie du Christ, et l’offrande secondaire, enveloppée, finie de l’Église. Il faudra insister sur la distinction entre l’ordre du culte et l’ordre de la charité, tous deux nécessaires ici-bas ; et sur l’ordination du culte à la charité : « Quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n'ai pas la charité, cela ne me sert de rien. » Dans l’ordre du culte, ou de la validité de l’offrande, se rencontrent d’abord le pouvoir ministériel hiérarchique des prêtres, qui seul est transsubstantiateur, puis le pouvoir ministériel non hiérarchique des baptisés et confirmés. Dans l’ordre de la charité, ou de la sainteté de l’offrande, qui est l’ordre suprême, tous les fidèles sont sollicités d’offrir, et les derniers peuvent être les premiers. l’Église du ciel, avec les anges et les saints, s'unit à sa manière à l’Église d’ici-bas. A la seconde question : Qu'est-ce qu'on offre à la Messe ? Il faut répondre que l’offrande suprême est le Christ lui-même, en qui le pain et le vin vont être transsubstantiés et qui, par la Croix où il a été élevé, attire à lui son Église et le monde entier (Chapitre V).
A chaque Messe, quelle que soit la sainteté du ministre, le Christ en gloire vient à nous pour nous toucher à travers sa Croix, cause universelle, surabondante, infinie du salut du monde. A chaque Messe l’Église entre elle-même dans le drame de la Passion rédemptrice, d’une manière finie et à proportion de sa foi et de son amour. A chaque Messe, en outre, l’Église, ainsi unie à la Passion du Christ, supplie pour le salut du monde : ce qu'elle obtient ainsi, ce qu'elle puise ainsi par sa prière, et qui retombe en bénédiction sur les hommes, voilà ce que les théologiens appellent les fruits de la Messe. On distinguera ici l’intention ou application générale de l’Église priant à chaque Messe pour tous les fidèles vivants et morts, et pour le salut du monde entier (fruit général) ; l’intention ou application du célébrant, considéré non comme simple particulier, ni comme ministre immédiat du Christ pour prononcer les paroles transsubstantiatrices, mais comme ministre immédiat des pouvoirs hiérarchiques pour accomplir la liturgie (fruit spécial) ; l’intention ou application personnelle soit du célébrant soit des fidèles (fruits particuliers) (Chapitre VI).
La présence corporelle du Christ alors passible a rassemblé les hommes autour du sacrifice rédempteur ; la présence corporelle du Christ maintenant glorieux continue de les rassembler autour de cet unique sacrifice valable pour tous les temps. C'est pourquoi avant de nous quitter pour « passer au Père », Jésus « la nuit où il fut livré prit du pain, et après avoir rendu grâces le rompit en disant : Ceci est mon corps, pour vous : faites ceci en mémoire de moi». Avant la consécration, c'était du pain ; après la consécration, ce qu'on voit, ce sont encore les mêmes espèces ou apparences du pain, ce qu'on croit, c'est le corps du Christ. Dès le principe l’Église accepte ce mystère, immédiatement révélé dans l’Écriture, de la présence réelle. Comment est-il possible ? Uniquement par transsubstantiation ; on ne le sait pas encore, il faudra le découvrir progressivement. Dans la notion de présence réelle est incluse nécessairement la notion encore cachée de transsubstantiation, un peu comme dans la définition du triangle sont incluses nécessairement toutes les propriétés du triangle qu'on découvrira plus tard. Prendre conscience de cette inclusion sera reconnaître que la notion de transsubstantiation était dès le début révélée, implicitement non explicitement, médiatement non immédiatement ; et qu'elle peut être dès lors définie comme telle par l’Église. La notion de contact, de présence, prise au sens propre et véritable, est, insistons-y, analogique, proportionnelle : Dieu est présent à toutes choses, un ange peut être présent dans le lieu où il agit, un corps est présent dans un Lieu. Même la présence corporelle peut être analogique : autre en effet la présence du pain avant la consécration, autre la présence du corps du Christ dans le même lieu après la consécration. Avant la consécration, la substance du pain, soutenant les apparences du pain, se trouve dans le lieu par manière de lieu et de dimension, chaque partie de son étendue propre étant coextensive à la partie correspondante du corps ambiant. Après la consécration, la substance du corps du Christ, avec le Verbe qui lui est uni personnellement, est contenue sous les mêmes apparences : non plus directement, en soutenant les apparences, mais indirectement en empruntant le voile de ces apparences ; non plus par manière de lieu et de coextensivité de ses dimensions avec celles du corps ambiant, mais d’une tout autre manière, le corps entier du Christ étant présent sous chaque parcelle des espèces ou apparences et chaque parcelle des espèces ou apparences se référant au corps entier du Christ : voilà ce qu'on appelle la présence dans le lieu par mode non de lieu mais de substance. Que la notion de transsubstantiation soit, comme nous le disions, nécessairement incluse dans la notion de présence réelle, la contre-épreuve se ferait en constatant que la négation de la première notion entraîne la négation de la seconde. Ceux qui refusent la transsubstantiation devront, en effet, supposer que, sous les apparences du pain, la substance du pain ou bien est annihilée, ou bien demeure. Dans les deux cas, il faudra songer à une adduction du corps du Christ. Deux voies semblent se présenter. Selon la première, il faudrait prêter au Christ autant de corps qu'il y a d’hosties consacrées, puis enfermer chacun de ces corps dans les dimensions d’une petite hostie. Selon la seconde voie, on assurera que le corps du Christ est unique, mais partout répandu, bien qu'il ne soit saisissable par nous que dans le pain consacré ; ou que le pain ajoute au Christ un nouveau corps. Les deux voies débouchent sur l’absurde. La seule issue sera dès lors d’éluder le mystère du jeudi saint : l’Évangile aurait parlé en image. d’autres viendront qui diront cela du mystère même de Noël (Chapitre VII).
L'incorporation à la Passion du Christ commence au Baptême et se consomme dans la communion eucharistique. Le Baptême est le sacrement de l’initiation chrétienne. La grâce qu'il communique est une participation de celle qui a poussé Jésus à la Passion, à la Mort, à la Résurrection. Elle précontient en elle, comme la graine la plante, les étapes ultérieures de la vie spirituelle. La communion eucharistique, sacrement de la consommation de la vie spirituelle, est une invitation plus immédiate à entrer dans le drame de la Passion, de la Mort, de la Résurrection. Le triple symbolisme de l’Eucharistie nous découvre ses effets. Les apparences du pain et du vin signifient que le Christ, maintenant glorieux, nous rencontre à travers son sacrifice sanglant auquel il faut s'unir non seulement par la foi et la charité mais encore par la manducation de la victime ; elles signifient la réfection et l’ivresse spirituelle qui vient à l’âme par le don de l’amour ; elles signifient l’unité de tous ceux qui communient à un même Pain : « Il sort du corps naturel de notre Sauveur une impression d’unité pour assembler et réduire en un tout le corps mystique. » A mesure que l’Église avance dans le temps, elle prend une conscience toujours plus explicite de la dispensation suivant laquelle Celui qui l’a fondée par sa présence corporelle veut l’accompagner de cette même présence corporelle, maintenant glorieuse, mais accessible sous les seuls signes de sa Passion. Dans le rapport de la Croix du Christ et de la gloire du Christ, elle apprend à déchiffrer le secret de sa destinée (Chapitre VIII).
Les travaux des historiens et des liturgistes permettent de donner en conclusion une vue des cadres de la Messe aux premiers siècles, d’introduire la question de la diversité des rits et des langues liturgiques, d’expliquer l’ordre des prières qui forment le cadre romain actuel de la Messe. Le mystère de la Messe est transcendant par rapport à ses expressions liturgiques. Si légitimes et nécessaires qu'elles soient, elles lui demeurent inadéquates. Elles ne représentent que des vérités partielles. Une tension va se créer entre elles. Elle reparaît à l’intérieur même de chacun des grands rits. Au regard du contemplatif, le mystère de la rédemption continué en chaque Messe est un, parfait, immuable, et les hommes, débordés par lui, s'agitent à son entour ; mais l’ordre de la discipline et du comportement social avance dans le temps et dans l’espace à la façon dont on marche, appuyant tour à tour sur les aspects divers du mystère unique
(Chapitre IX).
Sur deux points essentiels Luther, suivi de tout le protestantisme, brise avec la doctrine eucharistique traditionnelle : il nie le caractère sacrificiel de la Cène et de la Messe ; il nie la transsubstantiation du pain et du vin au corps et au sang, du Christ. Il entend néanmoins professer la doctrine évangélique et paulinienne de la présence réelle ; mais le rejet de la transsubstantiation entraîne de soi et aussitôt, dans la branche zwinglienne et calviniste, le rejet de la présence réelle.
Les doctrines de la transsubstantiation et de la présence réelle sont déjà parvenues à leur stade d’explicitation quand elles sont refusées par le protestantisme. La doctrine du caractère sacrificiel de la Cène et de la Messe, au contraire, bien que fermement enseignée et crue, est encore à son stade implicite. Le concile de Trente - constamment cité dans les pages qui suivent -, en définissant les deux premiers points, réassume donc pour l’essentiel une doctrine déjà précisée. En définissant le caractère sacrificiel de la Cène et de la Messe, au contraire, en peut dire que, tout en utilisant les élucidations théologiques antérieures - celles notamment du cardinal Cajetan - il doit procéder dans une certaine mesure à une première explicitation. Sur ce point la négation protestante agit comme un stimulant, elle fait progresser le développement doctrinal.
L'explicitation commencée par le concile de Trente ne semble point achevée. Elle appelle au travail les théologiens. Leur tâche est difficile. Si saint Thomas d’Aquin mourant demandait pardon à Celui qu'il appelait avec amour le « Prix de la rédemption de son âme», le « Viatique de sa pérégrination », de ce qu'il aurait pu dire contre lui par ignorance, et laissait tout à la correction de l’Église romaine, comment oseront-ils parler sans trembler de la méconnaître d’une révélation à la fois si proche et si cachée ?
(Chapitre I).
Le sacrifice rédempteur est unique : l’Epître aux Hébreux y insiste. Mais voici que le Sauveur lui-même a prescrit de réitérer en mémoire de lui et jusqu'à ce qu'il revienne ce qu'il a fait à la Cène. Et qu'a-t-il fait ? Il a changé le pain en son corps donné pour nous, le vin en son sang répandu pour la multitude en vue de la rémission des péchés ; il a invité les apôtres à s'unir par la communion à ce corps donné, à ce sang répandu : à la manière, précisera saint Paul, dont Israël s'unit aux victimes offertes au vrai Dieu et les Gentils aux victimes offertes aux idoles. Il y avait donc à la Cène sacrifice, et union au sacrifice par la communion. Ainsi, la Croix offre un sacrifice unique ; la Cène offre un sacrifice vrai et propre. Ces deux affirmations de la foi sont-elles conciliables ? Voilà le problème. On peut le supprimer, dire qu'à la Cène il n'y a ni sacrifice ni communion au sacrifice, mais seulement promesse de rémission des péchés, et tout devient très simple. Mais si l’on veut garder les deux données scripturaires avec la profondeur de leur mystère, comment les concilier ?
(Chapitre II).
Le sacrifice rédempteur unique est commencé la nuit où le Sauveur est livré et où la Cène est instaurée. Les paroles transsubstantiatrices de la Cène instituent non un autre sacrifice, mais une autre présence de ce même sacrifice : il était présent naturellement, sous ses apparences propres, il devient en outre présent sacramentellement, sous les apparences étrangères du pain et du vin. La Cène est un sacrifice vrai et propre parce qu'elle rend présent, sous des apparences non sanglantes, le Christ avec la réalité même de son sacrifice sanglant
(Chapitre III).
A la Cène, le même prêtre, la même victime, le même acte sacrificiel sont deux fois présents, d’abord sous leurs apparences propres, ensuite sous des apparences empruntées. A la Messe, il y a pareillement, sous les espèces du sacrifice non sanglant, le concile de Trente le rappelle, le même prêtre et la même victime qu'à la Croix ; y a-t-il en outre aussi le même acte sacrificiel qu'à la Croix ? l’explication de la doctrine eucharistique a précisé que chaque hostie consacrée est le Christ parce que la transsubstantiation multiplie dans l’espace les présences réelles substantielles du Christ unique ; pourra-t-elle préciser proportionnellement que chaque Messe est un acte sacrificiel vrai et propre parce qu'elle multiplie dans le temps les présences réelles efficientes, opératives de l’unique sacrifice rédempteur ? De ce point de vue, voici comment les choses se présenteront. On dira qu'à la Messe c'est le Christ glorieux qui vient à nous, mais pour nous rencontrer à travers sa Croix. Les apparences sacramentelles nous apportent la présence réelle substantielle du Christ glorieux et la présence réelle opérative de son sacrifice sanglant. Le Christ glorieux ratifie éternellement au ciel l’unique sacrifice rédempteur par lequel il a voulu sauver tous les hommes, d’abord par anticipation, dans l’ancienne économie du salut, ensuite et plus intimement, par dérivation, dans la nouvelle économie. Quand il vient à nous au moment même où la transsubstantiation réitère le sacrifice non sanglant de la Cène, c'est pour nous toucher à travers la Croix, c'est pour valoriser et actualiser pour nous son unique sacrifice rédempteur, toujours présent et actuel au regard de Dieu, dans lequel sont précontenues toutes les grâces de la nouvelle économie du salut. Mais l’acte sacrificiel rédempteur n'est-il pas révolu ? S'il est toujours présent à l’éternité divine, peut-il nous être présent à nous qui sommes entraînés par le flux du temps ? La réponse est que cet acte est par rapport à nous, sous des aspects différents, à la fois révolu et présent, dans le temps et au-dessus du temps. Dans le temps : il est un moment irréversible, de la vie temporelle du Christ. Au-dessus du temps : touché par la divinité il est capable d’atteindre par sa vertu spirituelle, son contact, sa présence toute la suite des générations au fur et à mesure de leur arrivée à l’existence. Chaque consécration, renouvelant le sacrifice non sanglant de la Cène, rend présent substantiellement le Christ maintenant glorieux ; mais les espèces sacramentelles du pain et du vin, qui rappellent le corps du Christ donné pour nous et son sang répandu pour nous, manifestent et témoignent que la grâce cachée en chaque Messe est la grâce même de la rédemption, un rayon de la rédemption. Comme la Cène, la Messe est un sacrifice vrai et propre : non un autre sacrifice que l’unique sacrifice rédempteur, mais une autre présence à nous, une présence sacramentelle, de cet unique sacrifice, Le sacrifice non sanglant ni ne se juxtapose ni ne se substitue au sacrifice sanglant, il se subordonne à lui pour en véhiculer la vertu jusqu'à nous. Multiplier les Messes, c'est multiplier les points d’application parmi nous, les présences réelles opératives parmi nous de l’unique sacrifice rédempteur : « Chaque fois que la commémoration de cette hostie est célébrée, l’œuvre de notre rédemption s'accomplit »
(Chapitre IV).
Si la Messe est, par la répétition du sacrifice non sanglant institué à la Cène, l’entrée existentielle plénière de l’Église, à chacun de ses moments, dans le sacrifice rédempteur sanglant de la Croix, où sa place est marquée d’avance, à la première question : Qui offre la Messe ? Il faut répondre en distinguant d’abord l’offrande primordiale, enveloppante, infinie du Christ, et l’offrande secondaire, enveloppée, finie de l’Église. Il faudra insister sur la distinction entre l’ordre du culte et l’ordre de la charité, tous deux nécessaires ici-bas ; et sur l’ordination du culte à la charité : « Quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n'ai pas la charité, cela ne me sert de rien. » Dans l’ordre du culte, ou de la validité de l’offrande, se rencontrent d’abord le pouvoir ministériel hiérarchique des prêtres, qui seul est transsubstantiateur, puis le pouvoir ministériel non hiérarchique des baptisés et confirmés. Dans l’ordre de la charité, ou de la sainteté de l’offrande, qui est l’ordre suprême, tous les fidèles sont sollicités d’offrir, et les derniers peuvent être les premiers. l’Église du ciel, avec les anges et les saints, s'unit à sa manière à l’Église d’ici-bas. A la seconde question : Qu'est-ce qu'on offre à la Messe ? Il faut répondre que l’offrande suprême est le Christ lui-même, en qui le pain et le vin vont être transsubstantiés et qui, par la Croix où il a été élevé, attire à lui son Église et le monde entier (Chapitre V).
A chaque Messe, quelle que soit la sainteté du ministre, le Christ en gloire vient à nous pour nous toucher à travers sa Croix, cause universelle, surabondante, infinie du salut du monde. A chaque Messe l’Église entre elle-même dans le drame de la Passion rédemptrice, d’une manière finie et à proportion de sa foi et de son amour. A chaque Messe, en outre, l’Église, ainsi unie à la Passion du Christ, supplie pour le salut du monde : ce qu'elle obtient ainsi, ce qu'elle puise ainsi par sa prière, et qui retombe en bénédiction sur les hommes, voilà ce que les théologiens appellent les fruits de la Messe. On distinguera ici l’intention ou application générale de l’Église priant à chaque Messe pour tous les fidèles vivants et morts, et pour le salut du monde entier (fruit général) ; l’intention ou application du célébrant, considéré non comme simple particulier, ni comme ministre immédiat du Christ pour prononcer les paroles transsubstantiatrices, mais comme ministre immédiat des pouvoirs hiérarchiques pour accomplir la liturgie (fruit spécial) ; l’intention ou application personnelle soit du célébrant soit des fidèles (fruits particuliers) (Chapitre VI).
La présence corporelle du Christ alors passible a rassemblé les hommes autour du sacrifice rédempteur ; la présence corporelle du Christ maintenant glorieux continue de les rassembler autour de cet unique sacrifice valable pour tous les temps. C'est pourquoi avant de nous quitter pour « passer au Père », Jésus « la nuit où il fut livré prit du pain, et après avoir rendu grâces le rompit en disant : Ceci est mon corps, pour vous : faites ceci en mémoire de moi». Avant la consécration, c'était du pain ; après la consécration, ce qu'on voit, ce sont encore les mêmes espèces ou apparences du pain, ce qu'on croit, c'est le corps du Christ. Dès le principe l’Église accepte ce mystère, immédiatement révélé dans l’Écriture, de la présence réelle. Comment est-il possible ? Uniquement par transsubstantiation ; on ne le sait pas encore, il faudra le découvrir progressivement. Dans la notion de présence réelle est incluse nécessairement la notion encore cachée de transsubstantiation, un peu comme dans la définition du triangle sont incluses nécessairement toutes les propriétés du triangle qu'on découvrira plus tard. Prendre conscience de cette inclusion sera reconnaître que la notion de transsubstantiation était dès le début révélée, implicitement non explicitement, médiatement non immédiatement ; et qu'elle peut être dès lors définie comme telle par l’Église. La notion de contact, de présence, prise au sens propre et véritable, est, insistons-y, analogique, proportionnelle : Dieu est présent à toutes choses, un ange peut être présent dans le lieu où il agit, un corps est présent dans un Lieu. Même la présence corporelle peut être analogique : autre en effet la présence du pain avant la consécration, autre la présence du corps du Christ dans le même lieu après la consécration. Avant la consécration, la substance du pain, soutenant les apparences du pain, se trouve dans le lieu par manière de lieu et de dimension, chaque partie de son étendue propre étant coextensive à la partie correspondante du corps ambiant. Après la consécration, la substance du corps du Christ, avec le Verbe qui lui est uni personnellement, est contenue sous les mêmes apparences : non plus directement, en soutenant les apparences, mais indirectement en empruntant le voile de ces apparences ; non plus par manière de lieu et de coextensivité de ses dimensions avec celles du corps ambiant, mais d’une tout autre manière, le corps entier du Christ étant présent sous chaque parcelle des espèces ou apparences et chaque parcelle des espèces ou apparences se référant au corps entier du Christ : voilà ce qu'on appelle la présence dans le lieu par mode non de lieu mais de substance. Que la notion de transsubstantiation soit, comme nous le disions, nécessairement incluse dans la notion de présence réelle, la contre-épreuve se ferait en constatant que la négation de la première notion entraîne la négation de la seconde. Ceux qui refusent la transsubstantiation devront, en effet, supposer que, sous les apparences du pain, la substance du pain ou bien est annihilée, ou bien demeure. Dans les deux cas, il faudra songer à une adduction du corps du Christ. Deux voies semblent se présenter. Selon la première, il faudrait prêter au Christ autant de corps qu'il y a d’hosties consacrées, puis enfermer chacun de ces corps dans les dimensions d’une petite hostie. Selon la seconde voie, on assurera que le corps du Christ est unique, mais partout répandu, bien qu'il ne soit saisissable par nous que dans le pain consacré ; ou que le pain ajoute au Christ un nouveau corps. Les deux voies débouchent sur l’absurde. La seule issue sera dès lors d’éluder le mystère du jeudi saint : l’Évangile aurait parlé en image. d’autres viendront qui diront cela du mystère même de Noël (Chapitre VII).
L'incorporation à la Passion du Christ commence au Baptême et se consomme dans la communion eucharistique. Le Baptême est le sacrement de l’initiation chrétienne. La grâce qu'il communique est une participation de celle qui a poussé Jésus à la Passion, à la Mort, à la Résurrection. Elle précontient en elle, comme la graine la plante, les étapes ultérieures de la vie spirituelle. La communion eucharistique, sacrement de la consommation de la vie spirituelle, est une invitation plus immédiate à entrer dans le drame de la Passion, de la Mort, de la Résurrection. Le triple symbolisme de l’Eucharistie nous découvre ses effets. Les apparences du pain et du vin signifient que le Christ, maintenant glorieux, nous rencontre à travers son sacrifice sanglant auquel il faut s'unir non seulement par la foi et la charité mais encore par la manducation de la victime ; elles signifient la réfection et l’ivresse spirituelle qui vient à l’âme par le don de l’amour ; elles signifient l’unité de tous ceux qui communient à un même Pain : « Il sort du corps naturel de notre Sauveur une impression d’unité pour assembler et réduire en un tout le corps mystique. » A mesure que l’Église avance dans le temps, elle prend une conscience toujours plus explicite de la dispensation suivant laquelle Celui qui l’a fondée par sa présence corporelle veut l’accompagner de cette même présence corporelle, maintenant glorieuse, mais accessible sous les seuls signes de sa Passion. Dans le rapport de la Croix du Christ et de la gloire du Christ, elle apprend à déchiffrer le secret de sa destinée (Chapitre VIII).
Les travaux des historiens et des liturgistes permettent de donner en conclusion une vue des cadres de la Messe aux premiers siècles, d’introduire la question de la diversité des rits et des langues liturgiques, d’expliquer l’ordre des prières qui forment le cadre romain actuel de la Messe. Le mystère de la Messe est transcendant par rapport à ses expressions liturgiques. Si légitimes et nécessaires qu'elles soient, elles lui demeurent inadéquates. Elles ne représentent que des vérités partielles. Une tension va se créer entre elles. Elle reparaît à l’intérieur même de chacun des grands rits. Au regard du contemplatif, le mystère de la rédemption continué en chaque Messe est un, parfait, immuable, et les hommes, débordés par lui, s'agitent à son entour ; mais l’ordre de la discipline et du comportement social avance dans le temps et dans l’espace à la façon dont on marche, appuyant tour à tour sur les aspects divers du mystère unique
(Chapitre IX).
Sur deux points essentiels Luther, suivi de tout le protestantisme, brise avec la doctrine eucharistique traditionnelle : il nie le caractère sacrificiel de la Cène et de la Messe ; il nie la transsubstantiation du pain et du vin au corps et au sang, du Christ. Il entend néanmoins professer la doctrine évangélique et paulinienne de la présence réelle ; mais le rejet de la transsubstantiation entraîne de soi et aussitôt, dans la branche zwinglienne et calviniste, le rejet de la présence réelle.
Les doctrines de la transsubstantiation et de la présence réelle sont déjà parvenues à leur stade d’explicitation quand elles sont refusées par le protestantisme. La doctrine du caractère sacrificiel de la Cène et de la Messe, au contraire, bien que fermement enseignée et crue, est encore à son stade implicite. Le concile de Trente - constamment cité dans les pages qui suivent -, en définissant les deux premiers points, réassume donc pour l’essentiel une doctrine déjà précisée. En définissant le caractère sacrificiel de la Cène et de la Messe, au contraire, en peut dire que, tout en utilisant les élucidations théologiques antérieures - celles notamment du cardinal Cajetan - il doit procéder dans une certaine mesure à une première explicitation. Sur ce point la négation protestante agit comme un stimulant, elle fait progresser le développement doctrinal.
L'explicitation commencée par le concile de Trente ne semble point achevée. Elle appelle au travail les théologiens. Leur tâche est difficile. Si saint Thomas d’Aquin mourant demandait pardon à Celui qu'il appelait avec amour le « Prix de la rédemption de son âme», le « Viatique de sa pérégrination », de ce qu'il aurait pu dire contre lui par ignorance, et laissait tout à la correction de l’Église romaine, comment oseront-ils parler sans trembler de la méconnaître d’une révélation à la fois si proche et si cachée ?