Diliges Deum tuum in toto corde tuo
Vous aimerez le Seigneur de tout votre cœur
(S.Matth., XXII, 37.)
Pour servir le bon Dieu parfaitement, ah ! ce n'est pas assez de croire en lui. Il est vrai que la foi nous fait croire toutes les vé-rités que l'Église nous enseigne, et que, sans cette foi, toutes nos actions sont sans mérite aux yeux de Dieu. La foi nous est donc absolument nécessaire pour nous sauver. Cependant cette foi pré-cieuse qui nous découvre d'avance les beautés du ciel nous quitte-ra un jour, parce que, dans l'autre vie, il n'y aura plus de mystères. L'espérance, qui est un don du ciel, nous est aussi nécessaire pour nous faire agir avec des intentions bien droites et bien pures, dans la seule vue de plaire à Dieu, en tout ce que nous faisons, soit pour gagner le ciel, soit pour éviter l'enfer. Mais la charité nous porte à aimer Dieu parce qu'il est, infiniment bon, infiniment ai-mable et qu'il mérite d'être aimé.
Mais, me direz-vous, comment donc connaître si nous avons cette belle vertu qui est si agréable à Dieu, et qui nous fait agir avec tant de noblesse ; c'est-à-dire, qui nous porte à aimer le bon Dieu, non par la crainte des peines de l'enfer, ni par l'espérance du ciel ; mais unique-ment à cause de ses perfections infinies ? – Ce qui doit nous porter à tant désirer et à tant demander au bon Dieu cette belle vertu, c'est qu'elle doit nous accompa-gner toute l'éternité. Bien plus, c'est la charité qui doit faire tout notre bonheur ; puisque la félicité des bienheu-reux consiste à aimer. Cette vertu si belle ; si capable de nous rendre heureux, même dès ce monde, voyons, M.F., si nous l'avons, et cherchons les moyens de l'ac-quérir.
I. – Si je demandais à un enfant : Qu'est-ce que la charité ? Il me répondrait : C'est une vertu qui nous vient du ciel, par laquelle nous aimons Dieu de tout notre cœur, et le prochain comme nous-mêmes par rapport à Dieu. – Mais, me demanderez-vous mainte-nant, qu'est-ce qu'aimer le bon Dieu par-dessus toutes choses, et plus que soi-même ? – C'est le préférer à tout ce qui est créé ; c'est être dans la disposition de perdre son bien, sa réputation, ses pa-rents et ses amis, ses enfants ; son mari ou sa femme et sa vie même, plutôt que de commettre le moindre péché mortel . Saint Augustin nous dit qu'aimer Dieu parfaitement, c'est l'aimer sans mesure, quand il n'y aurait ni ciel à espérer, ni enfer à craindre ; c'est l'aimer de toute l'étendue de son cœur. Si vous m'en deman-dez la raison, c'est que Dieu est infiniment aimable et digne d'être aimé. Si nous l'aimons véritablement, ni les souffrances, ni les persécutions, ni le mépris, ni la vie, ni la mort ne pourront nous ravir cet amour que nous devons à Dieu.
Nous sentons nous-mêmes, M.F., que si nous n'aimons pas le bon Dieu nous ne pouvons être que bien malheureux, très mal-heureux. Si l'homme est créé pour aimer le bon Dieu, il ne peut trouver son bonheur qu'en Dieu seul. Quand nous serions maîtres du monde, si nous n'aimons pas le bon Dieu, nous ne pouvons être que malheureux tout le temps de notre vie. Si vous voulez mieux vous en convaincre, voyez, interrogez les gens qui vivent sans aimer le bon Dieu. Voyez ces personnes qui abandonnent la fréquentation des sacrements et la prière, voyez-les dans quelque chagrin, quelque perte, hélas ! elles se maudissent, elles se tuent, ou meurent de chagrin. Un avare n'est pas plus content quand il a beaucoup que quand il a peu. Un ivrogne est-il plus heureux, après avoir bu le coup de vin où il croyait trouver tout son plai-sir ? Il n'en est que plus malheureux, Un orgueilleux n'a jamais de repos : il craint toujours d'être méprisé. Un vindicatif, en cher-chant à se venger, ne peut dormir ni le jour ni la nuit. Voyez en-core un infâme impudique qui croit trouver son bonheur dans les plaisirs de la chair : il va jusqu'à, je ne dis pas perdre sa réputa-tion, mais son bien, sa santé et son âme, sans cependant pouvoir trouver de quoi se contenter. Et pourquoi, M.F., ne pouvons-nous pas être heureux en tout ce qui semble devoir nous contenter ? Ah ! c'est que, n'étant créés que pour Dieu, il n'y a que lui seul qui pourra nous satisfaire, c'est-à-dire nous rendre heureux autant qu'il est possible de l'être sur cette pauvre terre. Aveugles que nous sommes, nous nous attachons à la vie, à la terre et à ses biens ! hélas ! aux plaisirs, disons mieux, nous nous attachons à tout ce qui est, capable de nous rendre malheureux !
Combien les saints, M.F., ont été plus sages que nous de tout mépriser pour ne chercher que Dieu seul ! Que celui qui aime véritablement le bon Dieu fait peu de cas de tout ce qui est sur la terre ! Combien de grands du monde, combien même de princes, de rois et d'empereurs, ne voyons-nous pas, qui ont tout laissé pour aller servir le bon Dieu plus librement dans les déserts ou dans les monastères ! Combien d'autres pour montrer au bon Dieu leur amour, sont montés sur les échafauds, comme des vainqueurs sur leurs trônes ! Ah ! M.F., que celui qui a le bonheur de se déta-cher des choses du monde pour ne s'attacher qu'à Dieu seul est heureux ! Hélas ! combien en est-il parmi vous qui ont vingt ou trente ans, et n'ont jamais demandé au bon Dieu cet amour qui est un don du ciel, comme vous le dit votre catéchisme. Dès lors, il ne faut pas nous étonner, M.F., si nous sommes si terrestres et si peu spirituels ! Cette manière de nous comporter ne peut nous conduire qu'à une fin bien malheureuse : la séparation de Dieu pour l'éternité. Ah ! M.F., est-il bien possible que nous ne vou-lions pas nous tourner du côté de notre bonheur qui est Dieu seul ! Quittons ce sujet, quoique si intéressant..... La charité fait toute la joie et la félicité des saints dans le ciel. Ah ! « beauté ancienne et toujours nouvelle, » quand est-ce que nous n'aimerons que vous ?