quinta-feira, 25 de maio de 2017

Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU Abbé de Notre-Dame de Fontgombault (Fontgombault, le 25 mai 2017) : dans le milieu monastique tout parle de Dieu, tout doit être fait avec Dieu et tout est fait pour Dieu

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 « Il est bon pour vous que je m’en aille. » (Jn 16,7) Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils, LA FÊTE DE L’ASCENSION DU SEIGNEUR est une fête de la foi et de la joie. Saint Marc rapporte qu’avant d’envoyer ses apôtres par le monde prêcher l’Évangile et de s’élever au Ciel, Jésus reprocha aux siens l’incrédulité et la dureté de leurs cœurs, car ils n’avaient pas cru en sa résurrection. Cette correction revêt une importance particulière alors que ce jour marque un changement dans la présence du Christ auprès des apôtres. 
Sa mort les avaient déjà privés d’une vie de tous les instants avec le Maître. Désormais, la vue du Seigneur leur sera retirée. Comment comprendre cette incrédulité des disciples ? Ils avaient pourtant été préparés aux séparations que seraient la mort de la Croix et l’Ascension.
 Mais la tristesse emplissait les cœurs et ceux-ci étaient sourds... durs. Le Seigneur lui même n’accentuait-il pas trop la blessure : « Il est bon pour vous que je m’en aille. » ? L’image du bon Maître cueillant les premiers disciples au bord du lac de Tibériade revenait à l’esprit. Les mois d’enseignement solitaire, de vie fraternelle, auprès d’un si bon rabbi, les miracles attirant la sympathie des foules, les premières prédications de la Parole... tant d’hommes aussi à convertir dans un pays où les nations se croisent... tout cela ne pouvait-il pas durer ?
 Le Royaume promis n’était toujours pas établi et l’envahisseur romain n’était pas chassé. L’Emmanuel, Dieu avec nous, ne devait-il pas rester avec nous ? Le Seigneur au contraire aspirait à tout accomplir, en particulier son heure, cette heure pour laquelle il était venu et qui était la volonté du Père. 
À quoi bon quitter la verdoyante Galilée et les bords du lac de Tibériade, à quoi bon s’éloigner des oasis des bords du Jourdain, pour affronter la chaleur du désert de Juda et la longue montée vers Jérusalem, si ce n’est pour atteindre le lieu où devait venir cette « heure » ? Les apôtres sont tristes. Le Seigneur les console : « Que votre cœur ne se trouble pas ! vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. » (Jn 14,1).

 La foi manquait dans les cœurs. Malgré l’assurance : « Je ne vous laisserai pas orphelins » (Jn 14,18), malgré l’annonce d’un Paraclet, les cœurs des apôtres demeurent durs. Malgré la lenteur des hommes, le plan de Dieu pourtant s’accomplit. Bientôt le Paraclet, l’Esprit consolateur va fondre sur chacun des disciples et les animera d’un saint enthousiasme, au point que les passants pourront les prendre pour des fêtards ivres. 
Saint Luc, qui rapporte l’Ascension du Seigneur, raconte que déjà, les apôtres, après s’être prosternés devant le Seigneur qui les bénissait et s’élevait, retournèrent à Jérusalem avec une grande joie. La lumière était revenue dans les cœurs. Que s’était-il donc passé ? 

Les cœurs des disciples se sont ouverts et ont reçu la grâce de la foi. La fête de l’Ascension est une fête de la foi, une fête de la joie. Dieu vrament demeure l’Emmanuel, Dieu avec nous. Avant de s’élever, le Seigneur a tenu à guérir, chez ses disciples, cette double maladie de l’âme : l’incrédulité et la dureté de cœur. 

Les moines connaissent depuis longtemps sous un nom particulier une des sœurs de ces deux maladies : l’acédie, le dégoût des choses de Dieu, un péché contre la joie qui vient de Dieu. C’est aussi une maladie très actuelle. Très sensible chez les moines parce que dans le milieu monastique tout parle de Dieu, tout doit être fait avec Dieu et tout est fait pour Dieu, elle se voile dans le monde dans la quête effrénée d’un étourdissement qui ne procure qu’une libération illusoire. Incrédulité, dureté de cœur, acédie, s’opposent à Dieu, et n’engendrent que désespoir et tristesse. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la rencontre de l’Invisible, la rencontre de Dieu ne peut se faire qu’avec un cœur ouvert au réel, présent. Le virtuel absent, le cœur effondré sur lui-même et sourd sont le partage de l’âme atteinte d’acédie. Dégoût de Dieu, dégoût du réel, dégoût de la vie, vont de pair. Avant la Passion, les apôtres n’ont pas su rencontrer le plan de Dieu dans les paroles de Jésus. Ils manquaient de foi et leurs cœurs étaient fermés. Le reproche du Seigneur a ouvert le cœur des disciples. 

Aujourd’hui, les apôtres ont la foi en la parole de leur Seigneur, leurs cœurs sont à son écoute : la joie est leur partage. Quel exemple pour chacun d’entre nous ! Le Seigneur ne nous a pas laissés orphelins. Chaque jour, il s’offre à nous sur les autels de la terre. Le Saint-Esprit aspire à demeurer l’hôte de nos âmes. Dieu a soif des âmes... et cette soif est notre joie. Chacune de nos vies abonde de ses bontés. Si la certitude de n’être point trompé du côté de Dieu assure notre chemin quotidien, la fête de l’Ascension doit être vraiment pour nous aussi une fête de la foi et de la joie. Si tel n’était pas le cas, ayons le courage de revenir au chemin des disciples vers la lumière. Tant de nos contemporains se passent aisément de Dieu. Quelle présence accordons-nous au Seigneur dans l’instant qui passe, dans la journée, dans la semaine ? Avons-nous le goût de Dieu ? Dieu ne nous a pas laissés orphelins, c’est entendu ; mais n’oublions-nous pas notre Père ? Notre cœur est-il ouvert à son enseignement ? Aujourd’hui, quel consolateur attendons-nous ? Alors que débute la neuvaine préparatoire à la fête de la Pentecôte, que demander au Seigneur ? La grâce de goûter toujours plus que nous sommes des fils richement dotés, aimés au prix du Sang, des enfants qui, loin d’être des orphelins, ont un Père au Ciel. La grâce d’un cœur docile, d’un cœur qui écoute. La grâce de la foi. Que le Seigneur, qui nous a donnés aussi une Mère, nous bénisse en ce jour afin que nous soyons dans le lieu où il nous a appelés, ses témoins ; tous témoins, jusqu’aux extrémités de la terre. Amen, Alléluia.