publié dans regards sur le monde le 24 juillet 2010
Sur le site de la « Fraternité sacerdotale saint Pierre », on lit cette importante conférence que Mgr Guido Pozzo a donné à Wigratzbad, le 2 juillet 2010.
Il faut absolument lire ce texte.
Conférence de Mgr Guido Pozzo à Wigratzbad, 2 juillet 2010
Conférence de Mgr Guido Pozzo, Secrétaire de la Commission Pontificale Ecclesia Dei, donnée aux prêtres européens de la Fraternité Saint-Pierre le vendredi 2 juillet 2010 à Wigratzbad. Ce même jour, Mgr Pozzo a célébré une messe solennelle à l’église de Maria Thann en présence de plus d’une centaine de prêtres et séminaristes de la Fraternité (photos de cette journée). Le lendemain eurent lieu les ordinations sacerdotales conférées par la Cardinal Cañizares à cinq diacres (photos des ordinations).
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Je finis la lecture de la conférence de Mgr Pozzo.On peut la résumer comme suit: Il faut interpréter le Concile comme étant une oeuvre « de réforme » de l’Eglise, réforme certes, mais dans la » continuité » du Magistère et nullement en « rupture » avec le Magistère. Il y aurait, de cette oeuvre conciliaire deux interprétations possibles, « deux herméneutiques », posssibles qui, du reste, ont vues le jour: « celle de la rupture, et celle de la réforme dans la continuité ».Dans la fidélité au Pape Benoît XVI, il faut clairement choisir cette dernière. Il le dit clairement dans sa conclusion. « Il faut utiliser cette dernière direction pour affronter les questions controversées, en libérant, pour ainsi dire, le Concile du para-concile qui s’est mélangé avec lui, et en conservant le principe de l’intégrité de la doctrine catholique et de la pleine fidélité au dépôt de la foi transmis par la Tradition et interprété par le Magistère de l’Église ».Une conférence de Mgr POZZO, le 2 juillet 2010
Prmière considération:Pour Mgr Pozzo, autre le Concile et ses textes, fidèles à la Tradition et au Magistère de toujours. Autre l’interprétation du Concile.Autre le Concile. Autre le « para concile ».C »est la thèse qu’on n’ a cessé de présenter à Mgr Lefebvre et qu’il refusa toujours d’accepter. Non Non, disait-il : « l’origine du mal, c’est le Concile et « toutes les réformes issues du Concile ». Et c’est pourquoi, par exemple, il avait l’audace de dire « être dans l’impossibilité de former des jeunes au sacerdoce avec la nouvelle messe ». Mais qui peut, de la hiérachie actuelle, comprendre cela? Il n’y aura une augmentation du nombre de prêtres que le jour où l’on abandonnera la « nouvelle messe ». Elle n’est pas la messe « ordinaire » du rite romain, elle est la « messe de Luther », ou si vous préférez, » une messe bâtarde », une « messe empoisonnée ». Les comunautés « Ecclesia Dei », de cette vérité, en font la preuve, année après année…Et la hiérarchie s’enrage et ne voit toujours rien. Il viendra un jour où Rome sera obligée de prendre des évêques en leur sein et de les nommer à la tête de diocèse. Ce sera peut-être au début de petits diocèses où il ne reste plus que quelques pêtres. Ces prêtres pourront s’opposer à cette nomination d’évêque. Avec un peu de fermeté, le nouvel évêque pourra faire appel à ces nouveaux prêtres, sans aller les chercher en Afrique. Et d’un coup, la messe traditionnelle reviendra…Le peuple en sera étonné…Mais s’y fera bien vite…Je rêve! Pas tant que cela.Autre le Concile. Autre le « para concile », nous dit Mgr PozzoOn en revient toujours là. C’est la bouée de sauvetage des « conciliaristes ». Il faut coûte que coûte sauver le Concile.
Je le veux bien …
Mais alors que faites-vous des déclarations du Cardinal Congar, disant que le Concile fut « une vraie révolution dans l’Eglise » ou du cardinal Suenens disant que le Concile est » 1789 dans l’Eglise ». Or ces deux personnalités furent, elles aussi , parmi les « chevilles ouvrières » du Concile Vatican II.
Que faites-vous de la déclaration du 21 novembre 1974 de Mgr Lefebvre disant que le Concile a subi une réelle influence du modernisme et du libéralisme; que faites-vous de son livre »J’accuse le Concile? » Et Mgr Lefebvre était parmi les personnalités de qualité du Concile. Il était à l’époque parmi les « supérieurs généraux des grandes congrégations de l’Eglise » et qui, plus est, archevêque et président du « Coetus internationalis Patrum », représentant quelques 250 pères concillaires.
Que faites-vous alors des critiques du cardinal Ottaviani critiquant très sévèrement la réforme liturgique de Mgr Bunigni, réforme liturgique réalisée, nous dit-on, en application de Sacro sanctum Concilium .
Etc Etc…
Une autre considération:Dans les paroles de Mgr Pozzo, il y a une nouveauté. Il parle de « questions controversées » du Concile . Enfin…C’est une nouveauté. Ces « controverses » doivent faire l’objet des entretiens avec la FSSPX.Prenons brièvement le sujet de l’oecuménisme.Lorsq’il résume la doctrine conciliaire sur l’oecuménisme, c’est la deuxième partie de sa conférence, vous ne le verrez jamais utiliser le mot « retour » à l’Eglise catholique des différentes confessions. Ce mot est bani de sa pensée. Mais c’est ce que l’on entend toujours sur ce sujet : il faut éviter toute expression faisant allusion au retour des frères séparés.Voilà l’axiome doctrinal et la directive pratique du mouvement oecuménique. Comme le dit Romario Amerio, dans son « Iota Unum » à la page 457 « on abandonne le principe du retour des frères séparés au profit de celui de la conversion de tous les chrétiens au Christ total, immanent à toutes les confessions. Comme le professe ouvertement la patriarche Athénagoras, « il n’est pas question dans ce mouvement d’union de marche d’une Eglise vers l’autre, mais de marche de toutes les églises vers le Christ commun » (ICI, n° 311, p. 18,1er mai 1968).Mais si vous faites remarquer que ce n’est pas l’enseignement que nous donne Pie XI dans son encyclique « Mortalium animos », – là, en effet, le pape affirme que la vraie union des Eglises ne peut se faire que par le retour (per reditum) des frères séparés à la vraie Eglise de Dieu -, Mgr Pozzo vous répond: Non! Non ! « le Concile reste (bien) sur le terrain de la tradition en ce qui concerne la doctrine de l’Eglise. (Mais) cela n’exclue pas toutefois que le Concile ait produit de nouvelles directives et explicité certains aspects spécifiques. La nouveauté par rapport aux déclarations antérieures au Concile consiste déjà dans le fait que les relations de l’Eglise catholique avec les Églises orthodoxes et les communautés évangéliques nées de la Réforme luthérienne sont traitées comme une question distincte et dans un mode formellement positif, tandis que dans l’encyclique Mortalium animos de Pie XI (1928), par exemple, l’objectif était de délimiter et de distinguer clairement l’Eglise catholique des confessions chrétiennes non-catholiques ».Si c’est ainsi que Mgr Pozzo pense règler le problème de la continuité de la pensée du Conciliaire sur l’oecuménisme avec la Tradition, je pense que les conversations doctrinales avec la FSSPX risquent de ne pas aboutir… C’est toujours ce que j’ai pensé. Ce n’est pas par des « conversations doctrinales » qu’on mettra fin à la crise de l’Eglise. Quand Mgr Lefebvre, après l’échec des conversations « pratiques » avec le cardinal Ratzinger en 1988, disait « la prochaine fois, c’est moi qui mettrais mes conditions; « Etes-vous d’accord avec le Syllabus »?; « Estes-vous d’accord avec le serment antimodernus?; « Etes-vous d’accord avec l’encyclique « Libertas »? …etc, il voulait simplement dire qu’il fallait d’abord faire une protestation de foi avant de s’asseoir de nouveau à la table des conversations et que cette protestation de foi devait être partagée par tous les intervenants….»Messieurs préparez-vous pour une combat de longue durée », nous disait Mgr Lefebvre. Il est doctrinale, certes. Mais on ne discute pas avec le modernisme. On le combat concrétement par une doctrine intègre et un apostolat énergique et vaillant.
Aspects de l’ecclésiologie catholique dans la réception de Vatican II
Introduction
Si l’on considère la Constitution dogmatique sur l’Église de Vatican II, on se rend compte immédiatement de l’importance et de l’ampleur de l’approfondissement du mystère de l’Eglise, et de son renouvellement intérieur par les Pères du Concile.
Si l’on considère la Constitution dogmatique sur l’Église de Vatican II, on se rend compte immédiatement de l’importance et de l’ampleur de l’approfondissement du mystère de l’Eglise, et de son renouvellement intérieur par les Pères du Concile.
Mais si vous lisez ou entendez une grande partie de ce qui a été dit par certains théologiens, certains célèbres, d’autres qui ne sont que des amateurs en théologie, dans une large production littéraire catholique post-conciliaire, on ne peut pas ne pas être saisi par une tristesse profonde et éviter d’être sérieusement préoccupé. C’est vraiment difficile d’imaginer un plus grand contraste existant d’une part entre les documents officiels de Vatican II, le Magistère postérieur des Papes, les interventions de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, et d’autre part, tant d’idées ou de déclarations ambiguës, douteuses et souvent contraires à la saine doctrine catholique, qui se sont multipliées dans des milieux catholiques et en général dans l’opinion publique.
Quand nous parlons du Concile Vatican II et de sa réception, le point essentiel de référence devrait maintenant être un seul, celui que le Magistère papal a exprimé très clairement et sans ambiguïté. Lors de son Discours à la Curie Romaine du 22 Décembre, le pape Benoît XVI a déclaré: » La question suivante apparaît: pourquoi l’accueil du Concile, dans de grandes parties de l’Eglise, s’est-il jusqu’à présent déroulé de manière aussi difficile? Eh bien, tout dépend de la juste interprétation du Concile ou – comme nous le dirions aujourd’hui – de sa juste herméneutique, de la juste clef de lecture et d’application. Les problèmes de la réception sont nés du fait que deux herméneutiques contraires se sont trouvées confrontées et sont entrées en conflit. L’une a causé de la confusion, l’autre, silencieusement mais de manière toujours plus visible, a porté et porte des fruits. D’un côté, il existe une interprétation que je voudrais appeler « herméneutique de la discontinuité et de la rupture »; celle-ci a souvent pu compter sur la sympathie des mass media, et également d’une partie de la théologie moderne. D’autre part, il y a l’ »herméneutique de la réforme », du renouveau dans la continuité de l’unique sujet-Eglise, que le Seigneur nous a donné; c’est un sujet qui grandit dans le temps et qui se développe, restant cependant toujours le même, l’unique sujet du Peuple de Dieu en marche » (cf. Benedetto XVI, Insegnamenti, vol. I, 2005, Ed. Vaticana, Città del Vaticano 2006, pp. 1023 sg.).
Évidemment, si le Saint-Père parle de deux interprétations ou clés de lecture divergentes, l’une de la discontinuité ou rupture avec la tradition catholique, et l’autre du renouvellement dans la continuité, cela signifie que la question cruciale de la source, ou le point vraiment déterminant du travail de désorientation et de confusion qui a caractérisé et caractérise encore notre époque ne provient pas du Concile Vatican II en tant que tel, et qu’il n’est pas l’enseignement objectif contenu dans ses documents, mais c’est l’interprétation de cet enseignement.
Dans cet exposé je me propose de développer brièvement deux aspects particuliers, afin de mettre en évidence les points clés pour une interprétation correcte de la doctrine conciliaire, en confrontation aux déviations et équivoques causées par l’herméneutique de la discontinuité:
I. L’unité et l’unicité de l’Église catholique.
II. L’Eglise catholique et les religions en rapport avec le salut.
I. L’unité et l’unicité de l’Église catholique.
II. L’Eglise catholique et les religions en rapport avec le salut.
Dans ma conclusion, je voudrais faire enfin quelques considérations sur les causes de l’herméneutique de la discontinuité avec la Tradition, en particulier en soulignant la forma mentis qui la sous-tend.
I. L’unité et l’unicité de l’Église catholique.
1. Contre l’opinion, partagée par de nombreux théologiens, que Vatican II a introduit des changements radicaux dans notre compréhension de l’Église, il convient de noter tout d’abord que le Concile reste sur le terrain de la tradition en ce qui concerne la doctrine de l’Eglise. Cela n’exclue pas toutefois que le Concile ait produit de nouvelles directives et explicité certains aspects spécifiques. La nouveauté par rapport aux déclarations antérieures au Concile consiste déjà dans le fait que les relations de l’Eglise catholique avec les Églises orthodoxes et les communautés évangéliques nées de la Réforme luthérienne sont traitées comme une question distincte et dans un mode formellement positif, tandis que dans l’encyclique Mortalium animos de Pie XI (1928), par exemple, l’objectif était de délimiter et de distinguer clairement l’Eglise catholique des confessions chrétiennes non-catholiques.
2. Pourtant, en premier lieu, Vatican II insiste sur la position d’unité et d’unicité de la véritable Église, en référence à l’Eglise catholique existante: elle «est» cette seule Eglise du Christ, celle qu’on professe dans le symbole comme une, sainte, catholique et apostolique » ( LG 8). Deuxièmement, le Concile répond à la question de savoir où l’on peut trouver la véritable Église: «Cette Église, constituée et organisée en ce monde comme une société, subsiste dans l’Église catholique» (LG 8). Et pour éviter toute ambiguïté quant à l’identification de la véritable Eglise du Christ avec l’Eglise catholique, on ajoute que c’est l’Eglise «gouvernée par le Successeur de Pierre et les Évêques en communion avec lui » (LG 8). L’unique Eglise du Christ a donc dans l’Église catholique sa réalisation, son existence, sa stabilité. Il n’y a pas d’autre Église du Christ à côté de l’Eglise catholique. Avec cela on dit – au moins implicitement – que l’Eglise de Jésus-Christ n’est pas divisée en elle-même, ni même dans sa substance, et que son unité indivisible n’est pas annulée par les nombreuses divisions entre les chrétiens.
Cette doctrine de l’indivisibilité de l’Eglise du Christ, de son identification substantielle avec l’Eglise catholique, est réitérée dans les documents de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Mysterium Ecclesiae (1973), Dominus Iesus, 16 et 17 (2000) et dans les Réponses aux dubia sur certaines questions ecclésiologiques (2007).
L’expression Subsistit dans Lumen Gentium 8 signifie que l’Eglise du Christ ne s’est pas perdue dans les vicissitudes de l’histoire, mais continue d’exister comme un sujet unique et indivisible par l’Église catholique. L’Église du Christ subsiste, se retrouve et se reconnaît dans l’Eglise catholique. En ce sens, il y a une continuité parfaite avec la doctrine enseignée par le Magistère précédemment (Léon XIII, Pie XI et Pie XII).
3. Avec l’expression « subsistit in », la doctrine du Concile- conformément à la tradition catholique – entendait exactement exclure toute forme de relativisme ecclésiologique. Dans le même temps le remplacement par le «subsistit in » de l’expression «est» utilisée par l’Encyclique Mystici Corporis de Pie XII, entendait affronter le problème œcuménique en mode plus direct et explicite que ce qui s’était fait dans le passé. Bien que l’Eglise soit une et se trouve en un seul sujet, il existe en dehors de ce sujet, des éléments ecclésiaux vrais et réels, qui, toutefois, étant propres à l’Eglise catholique, poussent vers l’unité catholique.
Le mérite du Concile est d’une part d’avoir exprimé l’unité, l’indivisibilité et la non multiplicité de l’Eglise catholique, et d’autre part d’avoir reconnu que, même chez les confessions chrétiennes non-catholiques existent des dons et des éléments qui ont le caractère ecclésial, et qui justifient et poussent à travailler pour le rétablissement de l’unité de tous les disciples du Christ. L’affirmation d’être l’unique Eglise du Christ ne saurait être interprétée en effet au point de ne pas reconnaître la différence essentielle entre les fidèles du Christ baptisés non-catholiques, et les non-baptisés. On ne peut en effet mettre sur le même plan quant à la question de l’appartenance à l’Église, les chrétiens non-catholiques, et ceux qui n’ont pas reçu le baptême. L’Église catholique et les églises et communautés ecclésiales non catholiques ne sont pas dans un rapport de rien à tout, mais de communion partielle et pleine communion.
4. Le paradoxe, pour ainsi dire, de la différence entre l’unicité de l’Eglise catholique, et l’existence d’éléments véritablement ecclésiaux en dehors de cet unique sujet, reflète le caractère contradictoire de la division et du péché. Mais cette division est quelque chose de totalement différent de la vision relativiste qui considère la division entre les chrétiens, non pas comme une rupture douloureuse, mais comme la manifestation de nombreuses variantes doctrinales du même thème, vision dans laquelle toutes les variations ou divergences seraient en quelque sorte justifiées et devrait être reconnues et acceptées comme des différences ou des divergences. L’idée qui en dérive, c’est que l’œcuménisme devrait consister en la reconnaissance réciproque et respectueuse de la diversité, et le christianisme serait à la fin l’ensemble des fragments de la réalité chrétienne. Cette interprétation de la pensée conciliaire est une expression de la discontinuité ou rupture avec la tradition catholique, et représente une falsification profonde du Concile.
5. Pour retrouver une interprétation authentique du Concile dans la ligne d’une évolution dans la continuité substantielle avec la doctrine traditionnelle de l’Église, il convient de noter que les éléments de «sanctification et de vérité» que les autres Eglises et communautés chrétiennes ont en commun avec l’Église catholique, forment la base de la communion ecclésiale mutuelle, et le fondement qui caractérise cette communion de façon vraie, authentique et réelle. Mais il serait nécessaire d’ajouter, pour être complet, que, en ce qu’elles ont de vrai, ces communautés ne se séparent pas de l’Église catholique mais en ce qui sépare ces communautés, cela les connote comme non-Eglise. Par conséquent, ces communautés sont un instrument du salut »(UR 3) pour la part qu’elles ont en commun avec l’Église catholique, et leurs fidèles en raison de cette partie commune peuvent obtenir le salut ; mais pour la partie qui est étrangère ou opposée à l’Église catholique, elles ne sont pas des instruments de salut (étant sauf ce qui relève de la conscience erronée invinciblement ; dans ce cas, l’erreur n’est pas imputable, même si elle est toujours classée comme conscience erronée) [cf. par exemple. le fait d'ordination de femmes à la prêtrise et l'épiscopat, ou l’ordination de personnes homosexuelles dans certaines communautés anglicanes ou vieille-catholiques] .
6. Vatican II enseigne que tous les baptisés en tant que tels sont incorporés au Christ (UR 3), mais en même temps, déclare qu’on ne peut parler que d’une « aliqua communio etsi non perfecta » entre les croyants dans le Christ et les baptisés non-catholiques d’une part, et l’Église catholique d’autre part (UR 3).
Le baptême constitue le lien sacramentel de l’unité des croyants dans le Christ. Toutefois, ce qui est affirmé n’est que le début et le commencement, pour ainsi dire, parce que le baptême tend intrinsèquement à l’acquisition de toute la vie dans le Christ. Par conséquent le baptême est ordonné la profession intègre de foi, à la pleine communion dans l’institution de salut voulue par le Christ, qui est l’Église, et enfin à la pleine insertion dans la communion eucharistique (UR 22). C’est tellement évident que l’appartenance à l’Eglise ne peut pas se maintenir pleinement, si la vie baptismale a ensuite un cours sacramentel et doctrinal objectivement défectueux et altéré. Une Église est pleinement identifiable seulement là où se trouvent réunis les éléments « sacrés » nécessaires et inaliénables qui la constituent comme Église: la succession apostolique (qui implique la communion avec le Successeur de Pierre), les sacrements, la Sainte Écriture. Quand l’un de ces éléments manque ou est défectueusement présent, la réalité ecclésiale est altérée en proportion de l’absence constatée. En particulier, le terme «Eglise» peut légitimement être attribué aux Églises orientales séparées, et ne peut l’être pour les Communautés nées de la Réforme, parce que ces dernières n’ont pas la succession apostolique, et la perte de la plupart des sacrements, et spécialement de l’Eucharistie, blesse et affaiblit une partie substantielle de leur ecclésialité (cf. Dominus Iesus, 16 et 17).
7. L’Eglise catholique a en elle toute la vérité, parce qu’elle est le corps et l’épouse du Christ. Toutefois, elle ne la comprend pas pleinement. C’est pourquoi Elle doit être guidée par l’Esprit « dans la vérité toute entière » (Jn 16:13). Une chose est l’être, autre chose la connaissance plénière de l’être. Ainsi, la recherche et la connaissance progressent et se développent. De même, les membres de l’Eglise catholique ne vivent pas toujours à la hauteur de sa vérité et de sa dignité. Ainsi, l’Eglise catholique peut se développer dans sa compréhension de la vérité, dans le sens de s’approprier en connaissance de cause et par la réflexion ce qu’elle est déjà ontologiquement et existentiellement. Dans ce contexte, nous comprenons l’utilité et la nécessité du dialogue œcuménique, pour récupérer ce qui peut avoir été marginalisé ou obscurci dans certaines périodes historiques, et pour reprendre dans la synthèse de l’existence chrétienne des notions en partie oubliées. Le dialogue avec les non-catholiques n’est jamais stérile ou formel, en présupposant cependant que l’Église a conscience d’avoir en son Seigneur la plénitude de la vérité et des moyens de salut.
Ces précisions doctrinales aident à développer une théologie en pleine continuité avec la tradition et en même temps en lien avec l’orientation et l’approfondissement voulu par le Concile Vatican II et le Magistère successif jusqu’à ce jour.
II. L’Eglise catholique et les religions dans le rapport au salut.
Il est normal que dans un monde qui se développe de plus en plus comme un ensemble jusqu’à constituer un village planétaire, même les religions se rencontrent. Donc, aujourd’hui, la coexistence de religions différentes caractérise de plus en plus la vie quotidienne des hommes. Cela conduit non seulement à un rapprochement extérieur d’adeptes de religions différentes, mais contribue à un développement des d’intérêt pour les systèmes des religions jusque-là inconnues. En Occident prévaut toujours plus dans la conscience collective la tendance de l’homme moderne à cultiver la tolérance et la liberté, abandonnant de plus en plus la prétention du christianisme à être la «vraie» religion. La revendication de que l’on appelle l’absolutisme du christianisme, traduit dans la formule traditionnelle de l’Eglise en laquelle se trouve seul le salut, rencontre aujourd’hui chez les catholiques et les chrétiens évangéliques, incompréhension et rejet. La formule classique «Extra Ecclesiam nulla salus», désormais est souvent remplacé par les mots « Extra Ecclesiam multa salus. »
Les conséquences de ce relativisme religieux sont non seulement d’ordre théorique, mais ont des effets dévastateurs de nature pastorale. Il se diffuse de plus en plus l’idée que la mission chrétienne ne devrait plus poursuivre l’objectif de convertir les gens au christianisme, mais la mission se limite à être soit un pur témoin de sa propre foi, soit un engagement à la solidarité et à l’amour fraternel pour la réalisation de la paix entre les peuples et de la justice sociale.
Dans un tel contexte, on peut observer une carence fondamentale, à savoir la perte de la question de la vérité. S’il vient à manquer la demande de la vérité, c’est-à-dire sur la vraie religion, l’essence de la religion ne se différencie plus de sa mystification, à savoir la foi ne réussit plus à se distinguer de la superstition, l’expérience authentique religieuse ne se distingue plus de l’illusion, la mystique ne se distingue plus du faux mysticisme. Finalement, sans la revendication de la vérité, même l’appréciation de ce qui est juste et bon dans les différentes religions devient contradictoire, puisqu’il manque le critère de la vérité pour constater ce qui est bon et vrai dans ces religions.
Il est donc urgent de rappeler aujourd’hui les points essentiels de la doctrine catholique sur la relation entre l’Eglise et les religions, en ordre à la question de la vérité et du salut, sauvegardant l’identité profonde de la mission chrétienne de l’évangélisation. Nous présentons un résumé ordonné de l’enseignement du Magistère qui met en lumière que même sur cet aspect existe une continuité substantielle de la pensée catholique, aussi dans la richesse des accents et des perspectives nouvelles émergées dans le Concile Vatican II et dans le plus récent Magistère pontifical.
1. Le mandat missionnaire. Le Christ a envoyé ses apôtres pour qu’ «en son nom » « soit prêché à toutes les nations le repentir et le pardon des péchés »(Lc 24, 47). «Enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit» (Matthieu 28:19). La mission de baptiser, donc la mission sacramentelle, est impliquée dans la mission d’évangélisation, parce que le sacrement est préparé par la Parole de Dieu et la foi, laquelle est un consentement à cette Parole (cf. Catéchisme de l’Église catholique, 1122).
2. Origine et but de la mission chrétienne. Le mandat missionnaire du Seigneur a son origine ultime dans l’amour éternel de la Sainte Trinité, et le but ultime de la mission n’est autre que de rendre les hommes participants à la communion qui existe entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint (cf. Catéchisme l’Église catholique, 850).
3. Salut et Vérité. « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité» (1 Tim 2:4). Cela signifie que «Dieu veut le salut de tous par la connaissance de la vérité. Le salut se trouve dans la vérité » (Déclaration Dominus Iesus, 22). «La certitude de la volonté salvifique universelle de Dieu ne diminue pas, mais augmente le devoir et l’urgence de l’annonce du salut et la conversion au Seigneur Jésus-Christ » (ibid.).
4. La vraie religion. Le Concile Vatican II « professe que le même Dieu a fait connaître au genre humain la voie par laquelle les hommes, en le servant, peuvent dans le Christ trouver le salut et devenir bienheureux. Cette unique et vraie religion, nous croyons qu’elle subsiste dans ‘Eglise catholique et apostolique, à laquelle le Seigneur a confié la mission de la communiquer à tous les hommes « (Déclar. Dignitatis Humanae, 1).
5. La mission ad gentes et le dialogue interreligieux. Le dialogue interreligieux fait partie de la mission évangélisatrice de l’Eglise. « Entendu comme méthode et comme un moyen de connaissance et d’enrichissement mutuel, non seulement il ne s’oppose pas à la missio ad gentes, mais en fait, il a un lien spécifique avec lui et en est une expression » (Lettre encyclique. Redemptoris Missio, 55). « Le dialogue ne dispense pas de l’évangélisation » (ibid.) et ne peut pas la remplacer, mais il accompagne la missio ad gentes (cf.Congregatio pro Doctrina Fidei, Déclaration Dominus Iesus, 2 et la note sur l’évangélisation). « Les croyants peuvent tirer profit pour eux-mêmes de ce dialogue, apprenant à connaître mieux « tout ce qui se trouvait de vérité et de grâce, par une présence cachée de Dieu, parmi les païens» (Ad Gentes 9). Si en effet on annonce la Bonne Nouvelle à ceux qui l’ignorent, c’est pour consolider, compléter et élever la vérité et le bien que Dieu a diffusés parmi les hommes et les peuples, et pour les purifier de l’erreur et du mal « pour la gloire de Dieu, La confusion du démon et le bonheur de l’homme »(Ibid.)» (Catéchisme de l’Église catholique, 856).
6. Quant aux rapports entre le christianisme, le judaïsme et l’islam, le Concile n’affirme pas la théorie, qui s’est répandue malheureusement dans la conscience des fidèles, selon laquelle les trois religions monothéistes (judaïsme, islam et christianisme) sont comme les trois branches d’une unique révélation divine. L’estime pour les religions monothéistes ne diminue et ne limite en aucune façon la tâche missionnaire de l’Eglise, « l’Eglise proclame et doit toujours proclamer sans cesse que le Christ est la Voie, la Vérité et la Vie (Jn 14,6), dans laquelle les hommes doivent trouver la plénitude de la vie religieuse » (Nostra Aetate, 2).
7. Le lien entre l’Eglise et les autres religions non-chrétiennes.
«L’Église reconnaît dans les autres religions la recherche, mais« dans l’ombre et les images » (Constitution dogmatique. Lumen gentium, n. 16) d’un « Dieu inconnu », mais proche, parce que c’est lui qui donne à tous la vie et le souffle à toute chose. » C’est pourquoi l’Eglise considère tout ce qui peut être trouvé « de bon et de vrai» dans les religions comme une préparation à l’Évangile et comme un don de Celui qui illumine tous les hommes afin qu’à la fin ils aient la vie « (Ibid.)» (Catéchisme de l’Église catholique, 843).
«L’Église reconnaît dans les autres religions la recherche, mais« dans l’ombre et les images » (Constitution dogmatique. Lumen gentium, n. 16) d’un « Dieu inconnu », mais proche, parce que c’est lui qui donne à tous la vie et le souffle à toute chose. » C’est pourquoi l’Eglise considère tout ce qui peut être trouvé « de bon et de vrai» dans les religions comme une préparation à l’Évangile et comme un don de Celui qui illumine tous les hommes afin qu’à la fin ils aient la vie « (Ibid.)» (Catéchisme de l’Église catholique, 843).
« Mais dans leur comportement religieux, les hommes présentent également des limites et des erreurs qui défigurent l’image de Dieu » (Catéchisme de l’Église catholique, 844): «Très souvent, les hommes, trompés par le diable, se sont égarés dans leurs raisonnements et ont échangé la vérité divine avec le mensonge, servant la créature plutôt que le Créateur, ou vivant et mourant sans Dieu dans ce monde, et sont exposés à la désespérance finale » (Constitution dogmatique. Lumen gentium, n. 16).
8. L’Eglise sacrement universel du salut. Le Salut vient du Christ par le moyen de l’Église qui est son Corps (cf. Catéchisme de l’Église catholique, 846). « Il doit être fermement professé que « l’Eglise en pèlerinage est nécessaire au salut. Le seul Christ est le médiateur et la voie du salut: il se rend présent pour nous dans son Corps, qui est l’Eglise » (Constitution dogmatique. Lumen gentium, n. 14) (Dominus Iesus, 20). «L’Église est «le sacrement universel du Salut » (Constitution dogmatique. Lumen gentium, 48) parce que, toujours unie d’une manière mystérieuse et subordonnée à Jésus-Christ Sauveur, son Chef, elle a dans le dessein de Dieu une relation irremplaçable avec le salut de chaque homme ».
9. Valeur et fonction de la religion dans l’ordre du Salut. «Selon la doctrine catholique on doit retenir que « lorsque l’Esprit travaille dans le cœur des hommes et l’histoire des peuples, dans les cultures et les religions, il assume un rôle de préparation évangélique (Lettre encyclique. Redemptoris Missio, 29). Il est donc légitime d’affirmer que le Saint-Esprit opère le salut chez les non-chrétiens aussi par le moyen des éléments de vérité et de bonté présents dans les différentes religions, mais il est totalement faux et contraire à la doctrine catholique de « tenir ces religions, considérées en tant que telles, comme voie de salut, parce qu’elles contiennent des lacunes, des insuffisances et des erreurs qui regardent la vérité fondamentale sur Dieu, l’homme et le monde « (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, notification à propos du livre de J. Dupuis,« Vers une La théologie chrétienne du pluralisme religieux », 8).
En résumé, il est clair que l’annonce authentique de l’Eglise en ce qui concerne sa revendication d’absolu, n’est pas modifiée substantiellement depuis l’enseignement de Vatican II. Certains motifs ont été explicités qui complètent cet enseignement, en évitant un contexte polémique et belliqueux, et remettant en équilibre les éléments doctrinaux, considérés dans leur intégralité et totalité.
Conclusion
Quelle est l’origine de l’interprétation de la discontinuité, ou de la rupture avec la tradition?
Quelle est l’origine de l’interprétation de la discontinuité, ou de la rupture avec la tradition?
C’est ce que nous pouvons appeler l’idéologie conciliaire, ou plus exactement para-conciliaire, qui s’est emparée du Concile depuis le début, en se superposant à lui. Avec cette expression, on n’entend pas quelque chose qui regarde les textes du Concile, ni l’intention des acteurs, mais le cadre général d’interprétation dans lequel le Conseil a été placé et qui agit comme une sorte de conditionnement intérieur de la lecture successive des faits et des documents. Le Concile n’est pas l’idéologie para-conciliaire, mais dans l’histoire de l’événement ecclésial et des moyens de communication de masse, on a largement opéré la mystification du Concile, ce qui est précisément l’idéologie para-conciliaire. Pour que toutes les conséquences de l’idéologie para-conciliaire soient manifestées comme un événement historique, il fallait y vérifier la révolution de 68, qui prend comme principe la rupture avec le passé et le changement radical de l’histoire. Dans l’idéologie para-conciliaire le mouvement 68 signifie une nouvelle figure de l’Eglise en rupture avec le passé.
Un tel cadre d’interprétation générale, se superposant extrinsèquement au Concile, peut se caractériser essentiellement par trois facteurs:
1) Le premier facteur est le renoncement à l’anathème, à savoir la nette contraposition entre l’orthodoxie et l’hérésie.
Au nom de la soi-disant «pastoralité» du Concile, on a fait passer l’idée que l’Eglise renonce à la condamnation de l’erreur, à la définition de l’orthodoxie contre l’hérésie. On oppose la condamnation contre les erreurs et l’anathème prononcée par l’Eglise dans le passé sur ce qui est incompatible avec la vérité chrétienne, au caractère pastoral de l’enseignement du Concile, qui maintenant n’entendrait plus condamner ou censurer, mais seulement exhorter, expliquer ou témoigner.
En réalité, il n’y a aucune contradiction entre la ferme condamnation et la réfutation des erreurs en matière de doctrine et morale, et l’attitude d’amour et de respect envers ceux qui tombent dans l’erreur, et leur dignité personnelle. En effet, précisément parce que le chrétien a un grand respect pour la personne humaine, il s’engage au-delà de toutes limites, pour la libérer des erreurs et des fausses interprétations de la réalité religieuse et morale.
L’adhésion à la personne de Jésus le Fils de Dieu, à sa Parole et son mystère de salut, exige une réponse de foi simple et claire, comme celle que l’on trouve dans les symboles de la foi et dans la regula fidei. La proclamation de la vérité de la foi implique toujours aussi la réfutation de l’erreur et la censure des positions ambiguës et périlleuses qui propagent l’incertitude et la confusion parmi les fidèles.
Il serait donc erroné, et sans fondement de soutenir que depuis le concile Vatican II, les déclarations dogmatiques et le jugement du Magistère devraient être abandonnés ou exclus, comme il serait tout aussi erroné de penser que l’exposition et la nature pastorale des documents de Vatican II n’implique pas une doctrine qui exige également le niveau de l’assentiment de la part des fidèles, selon les différents degrés d’autorité de la doctrine exposée.
2) Le deuxième facteur est la traduction de la pensée catholique dans les catégories de la modernité. L’ouverture de l’Eglise aux besoins et aux exigences de la modernité (voir Gaudium et Spes) est interprétée par l’idéologie para-conciliaire comme la nécessité d’une conciliation entre le christianisme et pensée philosophique et l’idéologie culturelle moderne. Il s’agit d’une opération théologique et intellectuelle qui reprend en substance l’idée du modernisme, condamné au début du XXe siècle par saint Pie X.
La théologie néo-moderniste et séculière a essayé de rencontrer le monde moderne juste à la veille de la dissolution du «moderne». Avec l’effondrement en 1989 du socialisme réel, se sont effondrés les mythes de la modernité et de l’irréversibilité de l’émancipation de l’histoire qui représentent les postulats du sociologisme et du sécularisme. Au paradigme de la modernité succède aujourd’hui celui post-moderne du « chaos » ou de « la complexité pluraliste», dont le fondement est le relativisme radical. Dans l’homélie du cardinal Joseph Ratzinger, avant d’être élu pape, au cours de la célébration liturgique « Pro eligendo pontifice » (19/04/2005) on trouve le point central de la question:
« Combien de vents de doctrines avons-nous connu au cours de ces dernières décennies, combien de courants idéologiques, de modes de pensée… La petite barque de la pensée de nombreux chrétiens, bien souvent, a été agitée par ces vagues, jetée d’un extrême à l’autre : du marxisme au libéralisme, jusqu’au libertinisme ; du collectivisme à l’individualisme radical ; de l’athéisme à un vague mysticisme religieux ; de l’agnosticisme au syncrétisme et ainsi de suite. Chaque jour, naissent de nouvelles sectes, réalisant ce que disait saint Paul sur l’imposture des hommes, sur l’astuce qui entraîne dans l’erreur (cf Ep 4, 14). Avoir une foi claire, selon le Credo de l’Eglise, est souvent étiqueté comme fondamentalisme. Tandis que le relativisme, c’est-à-dire se laisser porter « à tout vent de la doctrine », apparaît comme l’unique attitude digne de notre époque. Une dictature du relativisme est en train de se constituer qui ne reconnaît rien comme définitif et qui ne retient comme ultime critère que son propre ego et ses désirs ».
Face à ce processus, il faut d’abord récupérer le sens métaphysique de la réalité (cf. Encyclique Fides et ratio du pape Jean-Paul II) et une vision de l’homme et de la société fondée sur des valeurs absolues, métahistoriques et permanentes. Cette vision métaphysique ne peut être dissociée d’une réflexion sur le rôle et l’histoire de la grâce, c’est-à-dire du surnaturel, dont l’Église, Corps mystique du Christ, est le dépositaire. La reconquête du sens métaphysique avec la lumen rationis doit être parallèle à celle du surnaturel avec la lumen fidei.
Au contraire, l’idéologie para-Conciliaire estime que le message chrétien doit être sécularisé et réinterprété en fonction des catégories de la culture moderne extra et anti ecclésiale en compromettant son intégrité, peut-être sous le prétexte d’un « ajustement approprié» au temps. Le résultat fut de séculariser la religion et de mondaniser la foi.
Un des instruments pour mondaniser la religion consiste à prétendre la moderniser en l’adaptant à l’esprit moderne. Cette prétention a conduit le monde catholique à s’engager dans un « aggiornamento », qui était en fait une progressive, et parfois sans le savoir, homologation de la mentalité de l’Eglise avec le subjectivisme et le relativisme prévalant. Cet affaissement a entraîné une désorientation des fidèles, en les privant de la certitude de la foi et de l’espérance en la vie éternelle comme fin prioritaire de l’existence humaine.
3) Le troisième facteur est l’interprétation de l’ « aggiornamento » du Concile Vatican II.
Par le terme «aggiornamento », le Pape Jean XXIII a voulu indiquer la tâche prioritaire du Concile Vatican II. Ce terme dans la pensée du pape et du concile n’exprime pas ce qui a été mis sous son nom dans la réception idéologique du post-concile. « Aggiornamento » dans le sens du pape et du concile voulait exprimer l’intention pastorale de l’Eglise de trouver les moyens les plus adéquats et opportuns pour conduire la conscience civile du monde d’aujourd’hui à reconnaître la vérité éternelle du message salvifique du Christ et la doctrine de l’Eglise. L’amour de la vérité et le zèle missionnaire pour le salut des hommes sont à la base des principes de l’action « d’aggiornamento » voulue et pensée par le Concile Vatican II et le magistère pontifical successif.
Au contraire, pour l’idéologie para-conciliaire, largement encouragée par des groupes catholiques intellectuels néo-modernistes et les centres de mass-médias des pouvoirs temporels séculiers, le terme «aggiornamento » a été conçu et proposé comme le changement radical de l’Eglise envers le monde moderne: de l’antagonisme à la réceptivité.
La modernité idéologique- qui ne doit certainement pas être confondue avec la légitime et positive autonomie de la science, de la politique, des arts, du progrès technique s’est fixée comme principe le rejet du Dieu de la révélation chrétienne et de la Grâce. Il n’est donc pas neutre en regard de la foi. Donc celui qui pense à un rapprochement de l’Eglise avec le monde moderne, paradoxalement, est conduit à oublier que l’esprit antichrétien du monde continue d’opérer dans l’histoire et la culture. La situation après le Concile était déjà bien décrite par Paul VI en 1972:
« Par quelque fissure la fumée de Satan est entrée dans le peuple de Dieu. Nous voyons le doute, l’incertitude, la problématique, l’inquiétude, l’insatisfaction, l’affrontement. Le doute est entré dans nos consciences, et il est entré par des fenêtres qui devraient êtres ouvertes à la lumière. Dans l’Église également règne cet état d’incertitude. On croyait qu’après le Concile le soleil aurait brillé sur l’histoire de l’Église. Mais au lieu de soleil, nous avons eu les nuages, la tempête, les ténèbres, la recherche, l’incertitude. Comment cela a-t-il pu se produire ? Une puissance adverse est intervenue dont le nom est le diable, cet être mystérieux auquel Saint Pierre fait allusion dans sa lettre. (Paul VI, de l’éducation, Ed Vatican vol. X, 1972, p. 707).
Malheureusement, les effets définis par Paul VI n’ont pas disparu. Une pensée étrangère est entrée dans le monde catholique, jetant la confusion, séduisant beaucoup d’esprits et désorientant les fidèles. Il ya un «esprit de démolition» imprégné de modernisme qui s’est emparé, entre autres, d’une grande partie du journalisme catholique. Cette pensée étrangère à la doctrine catholique peut être constatée par exemple sous deux aspects.
Un premier aspect est la vision sociologique de la foi, c’est-à-dire une interprétation qui prend la vie sociale comme une clé d’évaluation de la religion, et qui comporte une falsification de la notion de l’Église selon un modèle démocratique. Si vous regardez les débats actuels sur le droit canon, sur la façon de célébrer la liturgie, on ne peut éviter d’enregistrer que cette fausse compréhension de l’Église s’est répandue parmi les laïcs et les théologiens, sous le slogan: Nous sommes le peuple, nous sommes l’Église. Le Concile en réalité n’offre aucun fondement à cette interprétation, puisque l’image du peuple de Dieu référée à l’Eglise est toujours liée à la notion de l’Église comme mystère, comme communauté sacramentelle du corps du Christ, composé d’un peuple qui a une tête, et d’un organisme sacramentel composé de membres hiérarchiquement ordonnés. L’Eglise ne peut pas devenir une démocratie, où le pouvoir et la souveraineté dérivent du peuple, parce que l’Eglise est une réalité qui vient de Dieu et qu’elle est fondée par Jésus-Christ. Elle est un intermédiaire dans la vie divine, le salut et la vérité, et dépend de la souveraineté de Dieu, qui est une souveraineté de grâce et d’amour. L’Église est à la fois don de la grâce et structure institutionnelle, comme l’a voulu son fondateur, en appelant les apôtres, « Jésus en institua douze » (Marc 3:13).
Un deuxième aspect sur lequel je voudrais attirer votre attention, c’est l’idéologie du dialogue. Selon le Concile et la lettre encyclique de Paul VI Ecclesiam suam, le dialogue est un moyen important et indispensable pour le dialogue entre l’Eglise et les hommes de son temps. Mais l’idéologie para-conciliaire transforme le dialogue comme instrument pour en faire l’objet et le but principal de l’action pastorale de l’Eglise, en vidant toujours plus le sens et en assombrissant l’urgence et l’appel à la conversion au Christ et l’appartenance à son Eglise.
Contre de telles déviations il faut trouver et récupérer les fondements spirituels et culturels de la civilisation chrétienne, c’est-à-dire, la foi en Dieu, transcendant et créateur, Providence et juge, dont le Fils unique s’est incarné, est mort et ressuscité pour racheter le monde et a effusé la grâce de l’ Esprit-Saint pour la rémission des péchés et nous rendre participants de la nature divine. L’Eglise, Corps du Christ, institution divine et humaine, est le sacrement universel de salut et de l’unité de l’humanité, dont elle est signe et instrument, et dans le sens d’unir les hommes au Christ dans son Corps, qui est l’Eglise.
L’unité de tout le genre humain, dont parle Lumen Gentium, ne devrait pas donc être comprise dans le sens de l’harmonie, ou du regroupement des différentes religions ou des idées ou des valeurs dans un «règne commun ou convergent », mais d’obtenir le retour de tous à l’unique Vérité, dont l’Eglise catholique est la dépositaire, confiée par Dieu lui-même. Non pas une harmonisation des doctrines « variées et changeantes », mais l’annonce intègre du patrimoine de la vérité chrétienne, tout en respectant la liberté de conscience, et en valorisant les rayons de vérité répandus dans l’univers des traditions culturelles et les religions du monde, et en s’opposant dans le même temps aux visions qui ne coïncident pas et qui ne sont pas compatibles avec la Vérité, qui est Dieu révélé dans le Christ.
Je conclus en revenant sur les catégories d’interprétation suggérées par le pape Benoît dans son discours à la Curie romaine, cité ci-dessus. Elles ne font pas référence au schéma habituel et obsolète ternaire: conservateurs, progressistes, modérés, mais elles reposent sur un schéma binaire excellemment théologique : deux herméneutiques, celle de la rupture, et celle de la réforme dans la continuité. Il faut utiliser cette dernière direction pour affronter les questions controversées, en libérant, pour ainsi dire, le Concile du para-concile qui s’est mélangé avec lui, et en conservant le principe de l’intégrité de la doctrine catholique et de la pleine fidélité au dépôt de la foi transmis par la Tradition et interprété par le Magistère de l’Église.