sexta-feira, 5 de julho de 2013

Voilà toute la vie du Carmel, vivre en Lui .

La vie d'Elisabeth Bibliographie
Elisabeth héritière

et pierre de fondation

La tradition du Carmel


L'Ordre du Carmel

Lorsqu’elle entre au Carmel le 2 août 1901, Élisabeth connaît déjà la spiritualité carmélitaine qu’elle a rencontrée en lisant Thérèse d’Avila - en particulier le Chemin de perfection – et dont elle a vécu tout en étant encore hors des murs du Monastère. Ne prie-t-elle pas ainsi Thérèse :

Mais, vous le savez, toutes vos filles
Ne sont point derrière cette grille.
Daignez donc intercéder au Ciel
Pour les postulantes du Carmel.
P 72 – 15 octobre 1899

Quelques jours après son entrée, à l’occasion d’un questionnaire récréatif au noviciat, elle donne ces réponses :

D. Quel est selon vous l'idéal de la sainteté ? - R. Vivre d'amour
D. Quel est le moyen le plus rapide pour y parvenir ? - R. Se faire toute petite, se livrer sans retour.
D. Quelle est la sainte que vous préférez et pourquoi ? - R. Notre sainte Mère Thérèse, parce qu'elle mourut d'amour.
D. Quel point de la règle préférez-vous ? - R. Le silence.
D. Avez-vous de grands désirs du Ciel ? - R. J'en ai parfois la nostalgie, mais, sauf la vision, je le possède au plus intime mon âme.
D. Quelles dispositions voudriez-vous avoir à la mort ? - R. Je voudrais mourir en aimant, et tomber ainsi dans les bras de celui que j'aime.
D. Un genre de martyre vous plairait-il davantage ? - R. Je les aime tous, surtout celui de l'amour.

Ce questionnaire permet de se rendre compte non seulement de la connaissance qu’a Élisabeth de la tradition du Carmel : la Règle, Sainte Thérèse d’Avila, Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus ; mais aussi et surtout de la lumière qu’elle y trouve: l’héritage du Carmel, c’est l’amour, un amour qui rayonne l’amour de Dieu et l’amour du prochain.

Aimer, c'est être apostolique,
Zéler l'honneur du Dieu vivant.
C'est vraiment l'héritage antique
Que nous laissait le grand voyant,
Recueilli par sainte Thérèse
Qui nous le léguait à son tour.
Le Carmel devint la fournaise,
Le foyer du divin Amour.
Nos saints l'avaient si bien compris...
Comme ils incendiaient les âmes !
Tout en eux donnait Jésus-Christ
En rayonnant ses vives flammes.
Mes Sœurs, soyons en vérité
Apôtres de la Charité.
P 94 – pour le 29 juillet 1905

Elisabeth, héritière

C’est donc dans cette lumière qu’Élisabeth relit la tradition du Carmel lorsqu’elle en parle à Germaine de Gemeaux, une jeune fille de ses amies qui pense un moment entrer au Carmel, ou à un novice carme.

A Germaine elle écrit

Voilà toute la vie du Carmel, vivre en Lui ; alors, tous les sacrifices, toutes les immolations deviennent divins, l'âme à travers tout voit Celui qu'elle aime et tout la porte à Lui : c'est un cœur à cœur continuel ! Vous voyez que déjà vous pouvez être carmélite par l'âme. Aimez le silence, l'oraison, car c'est l'essence de la vie du Carmel. Demandez à la Reine du Carmel, notre Mère, de vous apprendre à adorer Jésus dans des recueillements profonds ; elle aime tant ses filles du Carmel, son ordre privilégié, et c'est elle notre première patronne. Priez aussi notre séraphique Mère sainte Thérèse, elle a tant aimé, elle est morte d'amour ! Demandez-lui sa passion pour Dieu, pour les âmes, car la carmélite doit être apostolique : toutes ses prières, tous ses sacrifices tendent à cela ! Connaissez-vous saint Jean de la Croix ? C'est notre Père, il a été si loin dans les profondeurs de la Divinité ! Avant lui, j'aurais dû vous parler de saint Elie, notre premier Père, vous voyez que notre ordre est bien ancien puisqu'il remonte jusqu'aux prophètes. Ah, je voudrais pouvoir chanter toutes ses gloires !

« Etre épouse », épouse du Carmel, c'est avoir le cœur brûlé d'Elie, le cœur transpercé de Thérèse, sa « véritable épouse », parce qu'elle zèle son honneur Notes intimes n° 13

Aimons notre Carmel, il est incomparable ! Quant à la Règle, ma petite Germaine, vous verrez un jour comme elle est belle, vivez-en déjà l'esprit ! L 136 – du 14 septembre 1902

Voilà la vie de la carmélite : c'est avant tout une contemplative, une autre Madeleine que rien ne doit distraire de l'Unique nécessaire.L 164 à Germaine de Gemeaux 20 mai 1903

Au novice carme elle dit :

Je rends grâce à Celui qui a bien voulu nous unir si étroitement en Lui, et le remercie de vous avoir saisi par sa droite pour vous conduire sur la montagne du Carmel, tout irradiée des rayons mêmes du Soleil de justice. C'est là, à la suite de notre sainte Mère Thérèse et de tous nos saints, que nos deux âmes, que le divin Maître a consommées en Lui, doivent se transformer en cette louange de gloire dont parle saint Paul. « Je brûle de zèle pour le Seigneur Dieu des armées », ce fut la devise de tous nos saints ; elle fit de notre sainte Mère une victime de charité, comme nous le chantons dans son bel Office. Il me semble que si le bon Dieu me laisse encore sur la terre, c'est pour que je sois aussi cette victime d'amour, toute jalouse de son honneur. Voulez-vous obtenir à votre sœur de réaliser pleinement ce programme divin ; comme vous, elle a un grand désir de devenir une sainte pour donner toute gloire à son Maître adoré ! Saint Paul, dont je lis beaucoup les magnifiques épîtres, dit que « Dieu nous a élus en Lui avant la création, pour que nous soyons immaculés et saints en sa présence, dans la charité ». Vivre en la présence de Dieu, n'est-ce pas un héritage que saint élie a légué aux enfants du Carmel, lui qui, dans l'ardeur de sa foi, s'écriait : « Il est vivant, le Seigneur Dieu, en présence duquel je suis. » Si vous voulez, nos âmes, franchissant l'espace, se retrouveront pour chanter à l'unisson cette grande devise de notre Père; nous lui demanderons, le jour de sa fête, ce don d'oraison qui est l'essence de la vie du Carmel, ce cœur à cœur qui ne cesse jamais, parce que, quand on aime, on n'est plus à soi, mais à l'objet aimé, et l'on vit plus en lui qu'en soi même. Saint Jean de la Croix, notre bienheureux Père, a écrit là-dessus des pages divines, dans son Cantique et sa Vive Flamme d'amour ; ce cher livre fait la joie de mon âme, qui y trouve une nourriture toute substantielle. Je pense avec bonheur que les portes du noviciat se sont ouvertes pour vous, et je demande à la Reine du Carmel de vous donner le double esprit de notre cher et saint Ordre: l'esprit d'oraison et de pénitence; car, pour vivre continuellement en contact avec Dieu, il faut être entièrement sacrifié et immolé. Ayons l'ardeur de nos saints pour la souffrance et, surtout, sachons prouver à Dieu notre amour par la fidélité à notre sainte Règle ; ayons pour elle une sainte passion; si nous la gardons, elle nous gardera et fera de nous des saints, c'est-à-dire des âmes telles que les voulait notre séraphique Mère, pouvant servir à Dieu et à son église. L 299 à un novice carme – vers le 17 juillet 1906
Les carmélites martyres de Compiègne seront béatifiées en 1906. Nous sommes dans le contexte de la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Elisabeth écrit dans une poésie en 1905 :

Aimer, c'est rendre témoignage
A notre Christ, à notre Roi ;
Et donner notre vie en gage
Pour mieux affirmer notre foi.
Comme nos seize Bienheureuses,
Puissions-nous verser notre sang
Chantant en nos âmes joyeuses
Un hymne tout reconnaissant.
La Vérité, parlant un jour
Dit cette parole suprême
« La plus grande preuve d'amour
C'est mourir pour Celui qu'on aime. »
P 94 - pour le 29 juillet 1905
Se livrant à l’Amour, Elisabeth est devenue à son tour un maillon de la Tradition qu’elle contribue à porter jusqu’à nous.


Elisabeth : pierre de fondation

Très nombreux sont les témoignages de tous ceux qui, à travers le monde, se sont laissés attirer par elle, sortant d’eux-mêmes pour adhérer à Dieu et rester dans ce silence du dedans qui permet à Dieu de s’imprimer en eux, de les transformer en Lui...
Ce fut le cas de Sainte Thérèse de Jésus (Teresinha de los Andes) – carmélite et première sainte chilienne)

Je lis Élisabeth de la Trinité. Elle m'enchante. Son âme est semblable à la mienne. Bien qu'elle fût une sainte, je l'imiterai et je serai sainte. Je veux vivre avec Jésus dans l'intime de mon âme. Je veux le défendre contre ses ennemis. Je veux vivre une vie de ciel, comme le dit Élisabeth, en étant une louange de gloire : 1) en vivant d'une vie divine. En aimant Dieu d'un pur amour. En me livrant à lui sans réserve. En vivant dans une communion intime avec l'époux de mon âme ; 2) en accomplissant en tout la volonté de Dieu. Comment ? En accomplissant à chaque instant mon devoir avec joie. Rien ne doit me troubler. Tout doit être paix, comme est celle qui inonde les anges dans le ciel ; 3) en vivant dans le silence, car ainsi l'Esprit Saint tirera de moi des sons harmonieux et le Père, avec l'Esprit, formeront en moi l'image du Verbe ; 4) en souffrant puisque le Christ a souffert toute sa vie et qu'il fut louange de gloire de son Père. Je souffrirai avec joie pour mes péchés et pour les pécheurs ; 5) en vivant une vie de foi. En regardant tout du point de vue surnaturel. En reflétant le Christ dans toutes mes actions, comme le ferait un miroir ; 6) en vivant en continuelle action de grâces que nos pensées, nos désirs et nos actes soient une perpétuelle action de grâces ; 7) en vivant une continuelle adoration, comme le font les anges, répétant Sanctus, sanctus, etc. Et puisque nous ne pouvons être constamment en prière, renouveler, au moins avant chaque exercice, notre intention ; et ainsi nous serons une louange de gloire et nous vivrons une vie de ciel. Bien plus, nous devons nous encourager à avoir un zèle plus grand pour la gloire divine.Thérèse de Jésus, des Andes – Journal, 15 juillet 1917
Thérèse-Bénédicte de la Croix (Edith Stein) a lu aussi Élisabeth. Si elle évoque sa spiritualité dans son livre Prière de l'église, on retrouve la trace d'Élisabeth dans la dernière "pièce récréative" intitulée Saint Michel que Thérèse-Bénédicte a écrite deux mois avant son arrestation Le thème central de la pièce tourne autour de la paix, une paix que l'on ne peut atteindre que dans le profond du cœur. Le dialogue met en scène Saint Michel qui présente les témoignages de saint Etienne de Hongrie et de saint Alphonse de Ligori puis trois figures carmélitaines : Élisabeth de la Trinité, sœur Myriam de Jésus Crucifié et saint Jean de la Croix. Voici la réplique d'Élisabeth :


Connaissez-vous la petite sœur
qui dans son cœur
A bâti un temple pour la Trinité
Et ne voulait jamais quitter ce temple ?
Mais pensez : « la maison du pain »
était son nom !
Nous portons la Trinité en notre cœur ;
Lorsque nous sommes nourris avec le pain vivant
Descendu du ciel ;
Notre cœur est un avec le Sacré Cœur,
Le vrai temple de la Sainte Trinité.
Savez-vous où j'ai appris cette sagesse ?
Je la trouvai dans le cœur de notre Mère,
Le cœur pur de la Vierge immaculée.
Car ce cœur ne s'est jamais éloigné
Du divin Cœur, le Cœur de son Enfant bien-aimé.
C'est pourquoi il fut toujours un avec la Trinité
Et reposa dans une paix inaltérable.

Demandons cette force de l'amour qui brûlait dans le cœur de nos bienheureuses afin que nous aussi soyons martyres de cet amour comme notre sainte Mère Thérèse.