quarta-feira, 19 de agosto de 2015

ASSOMPTION Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU Abbé de Notre-Dame de Fontgombault (Fontgombault, le 15 août 2015)

 


ASSOMPTION Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU Abbé de Notre-Dame de Fontgombault (Fontgombault, le 15 août 2015)


 Et benedictus Fructus ventris tui. Et béni est le fruit de vos entrailles. (Lc 1,42) Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils, et vous plus particulièrement qui fêtez en ce jour vos soixante ans de profession religieuse, LE CHOIX DES LECTURES DE CE JOUR peut surprendre. Aucun texte du Nouveau Testament ne rapportant l'épisode de l'Assomption de Notre-Dame au Ciel, l'Église a retenu comme lecture le livre de Judith où l'héroïne libère le peuple de Dieu du joug de son oppresseur, et comme Évangile le récit de la Visitation.  Ces deux textes sont les témoins d'un aimable commerce entre le Ciel et la terre. Dieu est béni par le peuple d'Israël pour avoir donné la victoire sur les ennemis et pour avoir suscité au sein de son peuple une femme, Judith, instrument de cette victoire. Celle-ci est bénie pour s'être livrée sans réserve et avec confiance au plan de Dieu, alors que le peuple vivait dans l'angoisse et la tribulation. Comme en parallèle, le texte de l'Évangile rapporte la double bénédiction prononcée par Élisabeth, d'abord à l'adresse de sa cousine, Marie, la Mère de son Seigneur, et ensuite sur l'Enfant- Dieu qui repose en son sein. À son tour, comme en un bouquet, Marie fait monter vers Dieu le cantique d'action de grâces, de bénédiction, qu'est le Magnificat. Préfigurée par Judith dans son combat contre le mal, Marie est par excellence la bienheureuse, celle qui, plus que quiconque, a cru aux promesses du Seigneur. Tout vrai jubilé, a fortiori après soixante ans d'une vie religieuse particulièrement féconde, doit entendre cette double bénédiction. La communauté des moines que vous avez servie en tant qu'Abbé durant plus de trente-trois ans, votre famille et l'Église, doivent vous bénir et bénir Dieu pour sa présence fidèle à vos côtés : Dieu qui vous a donné la grâce de la persé- vérance dans cette vie monastique que vous avez choisie ; Dieu qui s'est servi de vos mains pour faire germer des fruits, visibles ou invisibles, connus ou inconnus. Vous-même, bénissez Dieu ! Aujourd'hui l'Église se réjouit de la montée au Ciel, corps et âme, de Marie. L'Assomption est comme la bénédiction finale de la vie terrestre de Marie, le sceau divin qui scelle pour l'éternité un Fiat, un Oui à Dieu qui n'a jamais été démenti. Après avoir exercé sa maternité sur l'enfant Jésus et sur l'Église naissante, Marie, forte de sa nouvelle situation, exerce sur tout homme venant en ce monde sa maternité. À Bethléem, Dieu est venu à nous en Jésus-Christ par Marie. Aujourd'hui, Dieu veut toujours venir à nous par Marie. En recevant de Dieu, pour ses enfants, la grâce, mais aussi les croix, en les transmettant, Marie les revêt d'une note particulière, propre à sa féminité, faite de douceur et d'amour maternels. Aux côtés de son Fils, en prononçant son Fiat, Marie livre le grand combat contre Satan, contre le mal. Comme une Mère, elle enseigne à ses enfants à demeurer, dans l'adversité, témoins du Christ et de son amour pour tous. À la fin de cette Messe, en union avec de nombreux diocèses de France et de nombreuses églises, les cloches sonneront pour manifester notre solidarité avec les chrétiens d'Orient, eux qui vivent dans des pays où les cloches ne sonnent pas... Vous êtes invités à prier le Seigneur pour ceux qui ont été chassés des lieux que leurs familles habitaient depuis plusieurs générations, pour le seul fait de n'avoir pas voulu renier leur état de chrétien. Aujourd'hui, s'ils ont reçu et s'ils reçoivent de l'aide humanitaire, ils sont de plus en plus conscients qu'ils ne retrouveront pas leurs maisons. Beaucoup pensent à fuir, afin d'offrir à leurs familles et à leurs enfants un avenir meilleur. Vous pourrez aussi vous confier à l'intercession des 21 martyrs coptes qui sont allés au devant de la mort en prononçant le nom de Jésus. En réponse à notre prière, les chrétiens d'Orient nous apprennent à vivre en témoins du Christ. Ce témoignage n'est pas aimé : l'amour de Dieu jusqu'à la mort gêne ceux qui ne savent que s'aimer eux-mêmes. La troisième guerre mondiale, évoquée à plusieurs reprises par le Saint-Père, comporte bien des champs de bataille... Il y a ceux bien visibles d'Orient... il y a aussi ceux moins visibles d'Occident. Le motif du combat est partout le même : le refus du Dieu créateur, le refus du Christ et de son message d'amour. Les forces en présence se regroupent en deux camps : celui de Dieu et celui de Satan. C'est lui le destructeur de la création, le diviseur par excellence, le chantre de l'individualisme et de la quête du plaisir qui méprisent le petit et le faible, le promoteur dans le cœur de l'homme et dans les législations des instincts les plus bas et les plus stériles. Son but : souiller la création, conduire l'homme à brader sa dignité d'enfant et d'ami de Dieu, pour une autre « dignité » combien plus exaltante : la capacité pour l'humanité de s'auto-définir, de légitimer tout comportement, surtout s'il s'inscrit hors de toute référence à la nature et à ses lois. Satan est à l'œuvre depuis bien longtemps.

 La lumière de Dieu et les lumières d'une pensée libérée se sont souvent heurtées dans le cœur de l'homme. Notre époque vit cependant un paradoxe. Comment une société qui s'engage pour une écologie dans la nature peut-elle délibérement ignorer le combat pour une écologie humaine ? Il est vrai que la raison libérée et devenue destructrice s'est d'abord attaquée à la nature, avant plus récemment de s'attaquer à l'homme. On protège le bébé phoque tout en abandonnant le petit homme... On s'attache à la pureté de l'air, tout en omettant de combattre les images et les textes des médias qui promeuvent la violence, ou réduisent les corps humains au rang d'esclaves... On chante la paix dans le monde, tout en portant la guerre dans le sein maternel par l'avortement. On veut la fraternité dans les pays tout en refusant à l'enfant le droit imprescriptible à connaître ses parents biologiques et à vivre en leur présence. Que répondra-t-on quand les petits et les faibles se feront nos accusateurs ? Combien de temps, combien de morts faudra-t-il attendre avant que le monde ne s'attache à la promotion d'une véritable écologie, comprise comme une quête du bien de TOUS ? Aujourd'hui, à l'exemple des chrétiens d'Orient, nous réaffirmons notre volonté d'être témoin de la vérité du Christ à la face du monde. Le Pape François nous y invite : Ne nous laissons pas voler l'enthousiasme missionnaire !... Ne nous laissons pas voler la joie de l'évangé- lisation !... Ne nous laissons pas voler l'espérance !... Ne nous laissons pas voler la communauté !... Ne nous laissons pas voler l'Évangile !... Ne nous laissons pas voler l'idéal de l'amour fraternel !... Ne nous laissons pas voler la force missionnaire ! (Evangelii Gaudium) Alors, tels Marie et Judith, nous bénirons vraiment Dieu, et lui-même nous bénira. Amen. AUX VÊPRES, AVANT LA PROCESSION DU VŒU DE LOUIS XIII UJOURD'HUI prend fin la grande Neuvaine de prière pour la France. Nous sommes unis particulièrement à cette heure aux Messes, aux processions, célébrées à cette occasion. Aux pieds de Notre-Dame, Mater Admirabilis, nous redirons ensemble la prière du bienheureux Cestac et celle de la Neuvaine. A Durant ces mois, nous avons demandé à Notre-Dame de guider notre pays, de nous guider vers Jésus, afin de recevoir de lui les grâces de sa Miséricorde. Nous avons déposé dans son Cœur immaculé nos souffrances et nos troubles, mais aussi nos motifs d'espérance, afin qu'elle obtienne de lui qu'il oriente nos actions vers le bien, en nous faisant désirer un chemin de vérité. Et maintenant, qu'en est-il ? La France a-t-elle répondu à notre querelle ? L'a-t-elle seulement soupçonnée ? Est-elle redevenue terre de chrétienté ? À qui le devoir de poser la question ? À qui celui d'y répondre ? La terre de France redeviendra terre de chrétienté quand la propre terre de mon cœur redeviendra terre de chrétienté, terre de charité enflammée par l'amour du Christ et de son Église. « C'est de la sainte Charité du Christ que le monde a peur, non de vous, ni de vos idées » écrivait Bernanos. (Les Enfants humiliés) Au soir de cette fête du triomphe de Marie, permettez-moi de vous proposer quelques réflexions. Nous sommes chrétiens, mais dans le secret de notre cœur avons-nous réellement souci de Dieu ? À tout propos échangeons-nous avec lui, comme le bon paysan d'Ars : « Je l'avise... Il m'avise... » ? Nous voulons que nos familles soient unies, mais cette union ne peut se puiser qu'en Jésus. Notre maison est-elle un lieu où on rend gloire à Dieu par la prière du matin et du soir, par une louange et une action de grâces avant et après les repas ? Un lieu où l'on aime dire : « Pardon, Merci et S'il te plaît » ? Nous voulons que nos églises vivent, mais vivront-elles sans nous ? Poussons-nous leurs portes pour y visiter le Saint Sacrement ? Aimons-nous venir y prier, seul ou en groupe ? Nous voulons que la bonne nouvelle de l'Évangile se répande sur tous les hommes, mais vivons-nous la radicalité du message du Christ au point que son rayonnement, à travers nos œuvres, devienne pour les autres motif de rechercher Dieu ? Lisons nous, méditons-nous les Évangiles ? Tous les jours... quelquefois... rarement... jamais ? Les neufs mois de la Neuvaine étaient un temps de gestation. Abandonnons les livrées du chrétien à éclipse pour revêtir véritablement Jésus-Christ. C'est-à-dire honorons notre baptême en vivant en témoins. Déjà saint Paul écrivait aux Romains à propos des nations : Comment donc invoqueront-ils celui en qui ils n'ont pas cru ? Et comment croiront-ils en celui dont ils n'ont pas entendu parler ? Et comment en entendront-ils parler, s'il n'y a personne qui prêche ? … Qu'ils sont beaux, les pieds de ceux qui annoncent la paix, de ceux qui annoncent de bonnes nouvelles ! (Rm 10, 14-15) Les cœurs de tant d'hommes qui ignorent le Christ nous désirent. Chaussons nos sandales et marchons sur les sentiers de nos cœurs, de nos familles, de nos paroisses, de nos villes et de notre pays, à la suite de Jésus et de Marie. Amen.