quinta-feira, 20 de agosto de 2015

La vérité placée au premier plan de l'évidence, c'est que le corps et le sang du Christ nous sont donnés en forme de sacrifice.



La vérité placée au premier plan de l'évidence, c'est que le corps et le sang du Christ nous sont donnés en forme de sacrifice. Tel est le mystère que nous atteignons d'emblée; nous y entrons directement, rien d'autre ne nous y dispose que l'autorité du Christ et de son Eglise. En ce qui touche à l'Eucharistie nous entrons vraiment d'emblée au coeur du sujet; nous nous heurtons, pour ainsi dire, sans aucune préparation, au sacrement du corps et du sang du Christ. La chose la plus sainte est aussi la première que nous rencontrions. Par la signification sacramentelle, nous ne faisons pas descendre le Christ du ciel, nous ne le faisons pas surgir des abîmes; il est entre nos mains et sur nos lèvres avant que nous sachions où nous sommes. Le sacrifice est immédiatement conduit jusqu'à son terme par le pouvoir fulgurant des paroles sacramentelles qui l'annoncent."



Partout où un prêtre, par la vertu du Christ, prononce les paroles de la consécration sacramentelle, la substance du pain et la substance du vin sont changées en cette réalité unique, la substance du corps et la substance du sang du Christ. Le corps et le sang du Christ n'ont pas à descendre du ciel; ce n'est pas cela l'Eucharistie; mais le corps et le sang du Christ sont réellement produits par un acte de la divine puissance, comme la grâce est produite dans l'âme humaine au baptême.

le mystère eucharistique est un mystère intérieur à l'Eglise.

   Le mystère eucharistique fait partie intégrante du mystère de l'Eglise. D'aucun peuvent trouver étrange qu'une institution aussi divine ne soit que partie d'une autre. Cela veut dire que l'Eucharistie est essentiellement et intrinsèquement unie à la vie de l'Eglise; elle n'est, de fait intelligible que moyennement l'Eglise. Elle ne se trouve, pour employer une antique expression, in sinu Ecclesiae, " dans le sein de l'Eglise".

   Jamais en aucun cas, l'Eucharistie n'est hors de l'Eglise.

De son côté, celle-ci ne prend jamais vis-à-vis d'elle, l'attitude de quelqu'un qui vénère une chose étrangère, annexée à sa vie, appartenant à une région du surnaturell bien au-dessus d'elle. Non, le mystère du Corps et du Sang du Christ est dans le sein même de l'Eglise; il y a sa place, comme l'Incarnation dans le sein de la Vierge Immaculée.

Il appartient à la vie terrestre de l'Eglise.

   Cette "immanence" de l'Eucharistie dans l'Eglise est souvent perdue de vue, au grand détriment de la théologie catholique. L'Eucharistie n'est pas un mystère ecclésiastique. Par son essence même il appartient à l'état terrestre de l'Eglise - ce que nous exprimons en disant que l'Eucharistie est un sacrement. Comme pour les autres sacrements, ses fonctions sont circonscrites par les limites même de l'Eglise cheminant dans la foi, vivant en  ce monde. Les fruits de ce mystère se doivent trouver d'abord dans l'Eglise militante; ses ministres sont ceux que l'Eglise a consacrés; sa vie s'introduit dans le courant de la sainteté encore sujette à l'épreuve ici-bas; cela n'appartient pas à la consommation du ciel mais y prépare.

   L'analogie la meilleure de cette inclusion de l'Eucharistie dans l'Eglise serait, nous l'avons déjà insinué, les neuf mois de la vie du Verbe Incarné dans les entrailles virginales de la Mère de Dieu.


C'est l'Eglise qui l'offre autant que le Christ et conjointement avec Lui.

   Quand donc elle célèbre les mystères eucharistiques, l'Eglise ne se tourne pas vers les régions invisibles du ciel; elle n'étreint point un Epoux lointain, elle ne lui jette pas de grands cris pour le faire descendre des cieux. Au contraire, elle rentre en elle-même, elle murmure des paroles toute-puissantes d'une puissance qui réside en elle-même.

Elle prend conscience d'une présence qui se trouvait déjà là, virtuelle. Ce qu'elle dit et fait ressemble pllus à un monologue plein de joie, qu'à une conversation avec un interlocuteur étranger. C'est elle-même qui, suivant les termes du Concile de Trente, offre le sacrifice eucharistique, et le Don divin qu'elle présente alors, elle le pose elle-même sur l'autel, en vertu du pouvoir sacramentel qui est sien.


   S'ii est hors de doute que le Christ eucharistique est une personne différente de toute personne humaine, ou de toute société de personnes, si saintes qu'elles soient, c'est aussi un fait garantii par la foi, que ce Christ Eucharistique vient dans l'Eglise par l'acte sacramentel qu'elle pose en prononçant les paroles de la consécration et par aucun acte.

   Le Fils de Dieu se met donc au sein même de l'Eglise en ce grand mystère, non par un acte de  sa propre volonté mais par l'acte sacramentel de l'Eglise. Il n'est pas un hôte qui va et vient; il est plutôt un enfant que l'Eglise prendrait et garderait entre ses bras en toute affection et tendresse, lorsqu'elle le désire.

...

Elle en agit librement et sans crainte, comme avec son bien.

   L'Eglise a reçu un don d'intelligence qui lui permet d'user de l'Eucharistie avec tant de profusion: Elle est vraiment Bethléem, la "maison du Pain divin". L'aliment eucharistique ne lui vient pas comme au prophète qui, retiré dans sa solitude, loin de tous ses ennemis, recevrait miraculeusement d'un corbeau sa nourriture. La réfection de l'Eglise ressemble bien plus au rassasiement des cinq mille hommes qui, après avoir mangé à satiété, voyaient encore devant eux des corbeilles débordant de la même nourriture.

   Au banquet eucharistique l'Eglise se montre d'une surprenante simplicité, presque sans l'ombre d'un étonnement, comme si le Pain divin était de sa propre fabrication. Familiarité d'attitude qui est bien plus vraie, bien plus adéquate au caractère de ce mystère, que celle d'une surprise plein d'effroi, propre à ceux qu'interdit une chose inattendue. En toute vérité, le Pain céleste est in Sinu Ecclesiae, dans le sein de l'Eglise.

le culte de la Sainte Réserve

   L'existence eucharistique du Christ étant en dehors du temps et de l'espace, l'élément de durée n'ajoute, comme tel, rien au mystère lui-même. Mais, pour l'Eglise il y a une nouvelle grâce, nouvelle intellligence: elle apprend à se servir, dans le temps et l'espace, d'un secret qui transcende à la fois le temps et l'espace.

   A sa manière et selon le mode humain d'agir, elle approche le Dieu caché sous les voiles sacramentels, incarnant sa dévotion et son amour dans les formes familières de la vie ordinaire. Elle demeure auprès de son Epoux des journées entières; elle le veille et elle veille en sa compagnie; son union mystique avec lui, elle la répartit selon le rythme des divisions du temps, à la façon des choses humaines, mesurées par les battements de l'horloge; elle parle d' "adoration perpétuelle", d'adoration solennelle durant "quarante heures", avec un réalisme absolu, tout comme si le Maître du temps, son Maître, était entré dans son existence et s'était soumis aux exigences de sa vie, réglée en fonction du temps.

   Aucune théologie de l'Eucharistie n'est satisfaisante, tant qu'on n'a pas donné sa valeur, qui est première au caractère eucharistique de l'Eglise à cette merveilleuse correspondance de sa propre vie avec tous les aspects du sacrement choisi par son Epoux pour s'approcher d'elle. Ce n'est pas assez pour l'Eglise d'avoir foi en ce mystère: elle possède une sorte d'instinct eucharistique. Il y a en elle une psychologie qui lui vient de l'Esprit et qui s'accorde parfaitement avec le grand sacrement de l'amour.

   C'est donc parler exactement que de dire que l'Eucharistie est dans l'Eglise, que l'Eglise la garde, qu'elle en prend soin, presque comme une mère de son enfant, qu'elle la protège, lui ménage une demeure ici-bas.

   Le Christ est, par l'Eucharistie posé au milieu de son Eglise: d'innombrables contacts s'établissent avec les âmes qu'il a rachetées et, de l'aurore au couchant, sans cesse palpite une double vie: celle du Christ dans le sacrement, celle de l'Eglise par le sacrement.

  C'est le sens de toute la liturgie eucharistique, que l'Eglise s'offre elle-même, en union avec la divine Victime. Le rite traditionnel qui renferme en soi cette communion à l'oblation du Christ est le mélange d'eau et de vin; la goutte d'eau représente l'union de l'Eglise avec son Epoux dans l'oblation divine.

   De plus, les offrandes du pain et du vin sont particulièrement expressives de ce même mystère. En principe les chrétiens sont supposés apporter eux-mêmes leur pain et leur vin, ce pain et ce vin qui vont être transubstantiés au Corps et au Sang du Fils de Dieu:" Cette oblation qui est nôtre, daignez, nous vous en prions, ô Dieu, faire qu'elle soit bénie, reçue, ratifiée, digne et acceptable."

   Rien ne pouvait manquer plus vigoureusement le trait distinctif du mystère eucharistique, à savoir qu'il fait partie de la vie de l'Eglise; mieux que tout le reste, c'est l'Eucharistie qui rend manifeste que, suivant la parole de saint Paul, le Christ chérit et nourrit l'Eglise comme sa propre chair.


dom Vonier.