Encyclique MEDIATOR DEI
de Sa Sainteté le Pape PIE XII
SUR LA SAINTE LITURGIE
IV. PROGRÈS ET DÉVELOPPEMENT DE LA LITURGIE
De tout temps, la hiérarchie ecclésiastique a usé de ce droit sur les choses de la liturgie ; elle a organisé et réglé le culte divin, rehaussant son éclat de dignité et de splendeurs nouvelles, pour la gloire de Dieu et le profit spirituel des chrétiens. Et, de plus, elle n’a pas hésité - tout en sauvegardant l’intégrité substantielle du sacrifice eucharistique et des sacrements - à modifier ce qu’elle jugeait n’être pas parfaitement convenable et à ajouter ce qui lui paraissait plus apte à accroître l’honneur rendu à Jésus-Christ et à l’auguste Trinité, et à instruire et stimuler le peuple chrétien de façon plus bienfaisante. (cf. Const. Divini cultus, du 20 décembre 1928.)
Éléments divins et éléments humains de la liturgie
En effet, la sainte liturgie est formée d’éléments humains et d’éléments divins ; ceux-ci, évidemment, ayant été établis par le divin Rédempteur, ne peuvent en aucune façon être changés par les hommes ; les premiers, au contraire, peuvent subir des modifications diverses, selon que les nécessités des temps, des choses et des âmes les demandent, et que la hiérarchie ecclésiastique, forte de l’aide de l’Esprit-Saint, les aura approuvées. De là vient l’admirable variété des rites orientaux et occidentaux ; de là l’accroissement progressif par lequel des coutumes cultuelles et des œuvres de piété particulières se développent peu à peu, alors qu’on n’en trouvait qu’un faible indice dans les âges antérieurs ; et de là vient aussi parfois que telles pieuses institutions, que le temps avait effacées, soient de nouveau remises en usage. Toutes ces transformations attestent la vie permanente de l’Église à travers tant de siècles ; elles expriment le langage sacré qui, au cours des temps, s’est échangé entre elle et son divin Époux, pour dire sa foi et celle des peuples à elle confiés, et son amour inépuisable ; et elles montrent la sage pédagogie par laquelle elle excite et augmente de jour en jour dans les croyants " le sens du Christ ".
Développement de certains éléments humains
Il y eut, certes, bien des causes au progrès et au développement de la liturgie sacrée tout au long de la glorieuse vie de l’Église.
a. Dû à une formulation doctrinale plus précise
Ainsi, par exemple, tandis que la doctrine catholique du Verbe de Dieu incarné, du sacrement et du sacrifice de l’Eucharistie, de la Vierge Marie Mère de Dieu, était déterminée de façon plus certaine et plus exacte, de nouvelles formes rituelles furent introduites, par lesquelles la lumière qui avait jailli plus éclatante des déclarations du magistère ecclésiastique se trouva répétée et comme reflétée de façon plus plénière et plus juste dans les actions liturgiques, et put atteindre avec plus de facilité l’esprit et le cœur du peuple chrétien.
b. Dû à des modifications disciplinaires
Ensuite le progrès de la discipline ecclésiastique dans l’administration des sacrements, par exemple du sacrement de pénitence, et l’institution puis la suppression du catéchuménat et encore la communion eucharistique sous une seule espèce adoptée dans l’Église latine, furent autant de causes qui, certainement, contribuèrent à la transformation de l’ancien rite au cours des temps et à l’introduction lente d’un rite nouveau, qui parut plus en accord avec les réglementations par là impliquées.
c. Dû aussi à des pratiques de piété extra-liturgiques
A ce progrès et à cette transformation contribuèrent beaucoup des initiatives de piété et des œuvres qui ne sont point en liaison intime avec la liturgie sacrée et qui, nées dans les époques suivantes par un admirable dessein de Dieu, prirent parmi le peuple une si grande importance : tel, par exemple, le culte accru et chaque jour plus attentif envers la divine Eucharistie, et de même envers les cruelles souffrances de notre Rédempteur, envers le Sacré-Cœur de Jésus, la Vierge Mère de Dieu et son très chaste Époux.
A ces effets eurent part aussi, au gré des circonstances, les pèlerinages publics de piété au tombeau des martyrs, les jeûnes de dévotion, enfin les prières stationales qui se célébraient en esprit de pénitence dans la sainte cité et auxquelles prenait part souvent le Souverain Pontife lui-même.
d. Dû encore au développement des beaux-arts
Et il est facile de comprendre que le développement des beaux-arts, surtout de l’architecture, de la peinture et de la musique, influa considérablement sur la détermination et les formes variées que reçurent les éléments extérieurs de la liturgie sacrée.
L’Église a usé de ce même droit sur les choses liturgiques pour défendre la sainteté du culte divin contre les abus introduits avec témérité et imprudence par des personnes privées et des Églises particulières. Et c’est ainsi que, au XVIe siècle, les usages et coutumes de ce genre s’étant accrus à l’excès, et les initiatives privées en ces matières menaçant l’intégrité de la foi et de la piété pour le plus grand profit des hérétiques et de la propagation de leurs erreurs, Notre prédécesseur d’immortelle mémoire Sixte-Quint établit en l’année 1588 la Sacrée Congrégation des Rites, afin de défendre les rites légitimes de l’Église et d’en écarter tout ce qui aurait été introduit d’impur (Const. Immensa, du 22 janvier 1588), à cette institution, de nos jours encore, il appartient, de par la fonction qui lui est dévolue, d’ordonner et décréter tout ce qui concerne la liturgie sacrée (C. I. C., can. 253).