sábado, 23 de janeiro de 2010

Mgr Léonard est le nouvel archevêque de Belgique.



Quelle église entend-il promouvoir ? Il est critiqué pour ses positions conservatrices en matière éthique, notamment son opposition à l’avortement et à l’euthanasie. Ce mardi, Bertrand Henne s’entretient avec Mgr Léonard.

INVITE : Monseigneur André-Mutien Léonard

CHOIX MUSICAL : Georges Brassens – « La Prière »

JOURNALISTE : Bertrand HENNE

BH : Monsieur André-Mutien Léonard, bonjour !

- Bonjour !

BH : Alors, Georges Brassens qui se définit lui-même comme un mécréant, dans une de ses chansons, qui chante ici un poème d’un catholique, Francis Jammes. C’est un exemple d’ouverture d’esprit, pour le moins original, de la part de Brassens. Est-ce qu’on doit y voir une volonté d’ouverture de votre part ? Fini le Monseigneur Léonard, Evêque conservateur ?

- J’espère ! Je respecte Brassens, à cause de son impertinence et de sa liberté de parole et en même temps, un cœur très sensible et ici j’ai choisi cette chanson parce que je suis un peu gêné que l’on parle tellement de moi, ces jours-ci, alors qu’il y a une telle détresse à Haïti et j’ai choisi cette chanson par sympathie, compassion, pour tous ceux qui sont dans la détresse, pour lesquels et avec lesquels, grâce à Brassens, je fais monter vers le ciel, cette prière.

BH : Pour le Cardinal Danneels, le successeur doit être un rassembleur, proche des fidèles, qui évitera de leur parler avec supériorité et mépris. Est-ce que vous êtes d’accord ? Ce sont les qualités principales d’un archevêque ?

- Un archevêque doit d’abord avoir une empathie, une sensibilité pour les gens. Il n’est pas là pour imposer ses idées, imposer son style, mais pour être proche du peuple qui lui est confié sur ce plan-là je rejoints tout à fait la conviction du Cardinal Danneels.

BH : Est-ce que vous vous définissez, Monseigneur, puisqu’on a vu qu’il y avait beaucoup de polémiques, depuis que votre nomination a été annoncée. Est-ce qu’on peut que vous définissez comme un conservateur ? « Oui » ou «non »… est-ce que ce terme de « conservateur », vous convient, quand on parle de vous ?

- Vous savez, on parle d’un conservateur de musée. Ce n’est pas que je conserve un musée, mais il y a des choses qu’il faut conserver, parce que la foi chrétienne a une source, elle a une origine : on vient de Jésus, on vient des apôtres, on vient d’une longue tradition de 20 siècles. C’est comme un fleuve. Un fleuve ne coule, n’irrigue, n’arrose, ne fait vivre, que s’il reste branché sur la source. Si vous le coupez de sa source et bien il se tarit. Mais en même temps un fleuve il doit épouser le terrain, il a des sinuosités, il a des méandres, parce qu’il doit se couler dans les dénivellations du terrain. Et on peut être à la fois conservateur, en conservant la source, l’origine et en même très attentif aux besoins d’aujourd’hui, aux requêtes d’aujourd’hui, aux souffrances d’aujourd’hui, aux espérances d’aujourd’hui. Et le but d’un fleuve s’est de déboucher et de même, si je conserve ce qui doit être conservé, c’est aussi pour rejoindre le monde d’aujourd’hui et nous orienter ensemble, vers ce qui est au-delà de ce monde-ci et que l’Eglise appelle « le Royaume de Dieu ».

BH : Qu’est-ce que vous répondez à tout ceux qui s’inquiètent de votre nomination, soit dans l’Eglise catholique, soit à l’extérieur de l’Eglise catholique ? Est-ce que vous leur envoyez ce matin, un message d’ouverture ? Un petit peu …je veux dire… quand par exemple dans une élection Nicolas Sarkozy a été élu à droite et puis il a lancé un message d’ouverture aux autres électeurs, et notamment de gauche. Est-ce que vous allez faire un peu la même chose ?

- Alors, je respecte tout à fait les inquiétudes que les gens ont à mon sujet, mais je pense qu’elles sont largement surfaites et qu’on me surestime sur ce plan-là. Le problème avec moi je pense, c’est qu’il y a chez moi un mélange un peu étrange : d’une part, il est vrai que je suis ferme dans mes convictions, fidèle à la tradition dans laquelle je m’inscris et en même temps très peu conformiste, très souple dans la manière de rencontrer les gens et cela peu désarçonner au début, mais je pense qu’avec l’expérience et en se rencontrant, on verra que la situation est beaucoup plus nuancée, plus complexe, que les étiquettes qui circulent volontiers à mon sujet, qui sont sans doute pour une part, méritées …il n’y a pas de fumée sans feu… mais qui sont aussi largement exagérées.

BH : Monsieur Léonard, je lisais : le taux de pratique catholique dans le diocèse de Namur, est en diminution. J’ai lu ça dans un magasine catholique il y a quelques semaines. Est-ce que ce que vous n’arrivez pas nécessairement à juguler dans votre propre Evêché, ici à Namur, ça va changer au niveau national, parce que je lisais un commentaire encore ce matin, sur notre site : la première chose à faire, c’est de ramener des fidèles, au sein de l’Eglise catholique. Est-ce que c’est possible ? Est-ce que c’est vraiment votre mission ? C’est de faire que l’Eglise catholique …et bien arrête son érosion de fidèles ?

- Je ne m’exprimais pas de cette façon-là. Mon but n’est pas de racoler des gens. Mon but c’est qu’il y ait une vitalité chrétienne suffisante, même si elle est limitée numériquement, pour être attractive. C’est le Seigneur qui doit attirer, ce n’est pas nous qui devons racoler. Et s’il est transparent, fut-ce à travers une minorité de gens dans ce pays… mais s’il est transparent que Jésus est à l’œuvre… que Dieu est à l’œuvre en ce monde, qu’Il touche les cœurs, qu’Il les transforme, qu’Il les mobilise, qu’Il les envoie en mission… si cela peut être transparent, au moins en quelques endroits, cela permettra au Seigneur d’attirer vers Lui, à travers le témoignage de ses communautés, comme ça c’est fait au début de l’Eglise. Les chrétiens au début étaient une petite poignée, dans l’Empire romain, mais on disait d’eux : voyez comme ils s’aiment et à travers leurs témoignages, il y avait comme une puissance d’attraction qui se dégageait.

BH : On va parler aussi des déclarations ... Interruption (coupure de son)

- Reprise…qui a parlé de cette loi comme une loi unique. Et il y a eu des manifestations très puissantes à l’époque. On protestait contre une loi qui pourtant avait été votée démocratiquement au Parlement. Alors je n’imagine pas que Madame Onkelinx pense qu’on ne peut jamais avoir un avis sur une loi qui a été votée démocratiquement. On garde dans ce pays, une liberté d’expression. Si la classe ouvrière n’est pas contente d’une loi qui porte atteinte à ce qu’elle juge être sa dignité, elle a le droit de protester et si je trouve, avec d’autres, qu’une loi ne respecte pas ce qu’est la nature profonde du mariage, par exemple, je garde la liberté d’émettre une critique vis-à-vis de cette loi, tout en respectant les rouages démocratiques.

BH : Est-ce qu’on peut dire que là-dessus, sur notamment tous les domaines qui touchent à l’éthique, est-ce que par rapport à Monseigneur Danneels, vous allez être plus offensif, un petit peu à la manière de ce qui se passe en Italie ou en Espagne, où on voit les autorités ecclésiastiques, plus offensives sur ces questions-là ?

- Je n’ai pas de stratégie, pour la bonne et simple raison, que jamais je ne parle moi-même, de ma propre initiative, de ces questions. Mes préoccupations majeures, sont ailleurs. Elles sont sur le plan de la foi. Elles sont les questions qui se posent aujourd’hui, quand les gens voient le tremblement de terre. Est-ce que Dieu existe ? Est-ce qu’Il est vraiment bon ? Est-ce qu’Il est si puissant qu’on le dit ? Comment se fait-il qu’il y ait tant de mal dans le monde ? Est-ce que Jésus apporte à ces questions-là ? Ca ce sont mes priorités. Je ne parle de ces questions-là que lorsque des journalistes m’interrogent. Et je réponds à leur question. Mais il ne faut pas penser que toute la Bible, depuis la première ligne de la Genèse, jusqu’à la dernière de l’Apocalypse, ne fait que parler de préservatif, d’homosexualité et d’avortement. Donc je suis prêt à parler de ces questions, quand on m’impose d’en parler et il est utile d’en parler, mais ce n’est pas mon occupation quotidienne.

BH : N’empêche vos propos sur l’homosexualité (on se souvient… j’ai encore vu les JT, hier, où vous êtes intervenu) vous avez encore dû vous expliquer là-dessus. Ca vous poursuit un petit peu. Et vous avez dit : je n’ai jamais vraiment dit ça. On ne va pas refaire la polémique. Mais pour comprendre vraiment la manière dont vous vous positionnez par rapport à ça. Est-ce que pour vous l’homosexualité c’est un péché ou pas ? Est-ce que c’est mal ou c’est bien ?

- Un péché c’est quelque chose qui est commis par une personne. Je n’émets jamais de jugement sur les personnes.

BH : Donc ce n’est pas un péché pour vous, si je vous suis ?

- C’est un comportement ! Je parle des gens ! C’est un comportement qui n’est pas de la logique du sens de la sexualité. En ce sens, ce n’est pas un comportement moralement exemplaire. Ca je dois continuer à le dire, parce que je le pense et parce que je pense que c’est vrai. Mais traduire cela en transposant l’appréciation que je porte sur un comportement …transposer cela aux personnes… ça c’est gravement injurieux et c’est quelque chose que je ne permettrai jamais. Et donc, les propos que je tiens à ce sujet-là, je les assume, mais pas ceux que l’on me fait dire, sans que je les ai dit. Et si j’ai appris quelque chose, en étant professeur de philosophie, c’est à respecter le sens des mots et la portée du langage.

BH : Vous avez terminé par une citation de quelqu’un que vous appréciez beaucoup …Joseph Ratzinger, devenu Benoît XVI, qui a dit un jour : plus une religion s’assimile au monde, plus elle devient superflue. Est-ce que ça c’est aussi un petit peu votre ligne de conduite Monseigneur Léonard ? C’est de dire : finalement, la religion ne peut pas trop s’adapter au monde contemporain ?

- C’est tout à fait vrai ! Jésus a parlé de la foi et de l’engagement chrétien, comme celle de la terre, le vin, dans la pâte. Si le levain s’identifie entièrement à la pâte, il n’apportera plus rien à la pâte, il sera dissout simplement dans la pâte. Il est intéressant, par ce qu’il est différent, mais il doit être dedans. Il faut être différent de la pâte, mais dans la pâte. Et si le sel de la terre est absolument identique à la terre, le sel va devenir insipide.

BH : André-Mutien Léonard… merci d’avoir accordé cette interview. Excusez-vous ces quelques problèmes de son. Nous sommes en direct depuis l’Evêché de Namur.