Ceci est mon témoignage personnel concernant la Tradition Orientale dans laquelle je suis entré, dans laquelle je suis né depuis 15 ans en tant que religieux assomptionniste[1] .
Cet article porte le titre de « la Tradition Orientale ». Mais qu’est-ce que cela comprend ? La frontière de cette tradition n’est pas tout à fait claire. Que veut-on dire par « Tradition Orientale » ?
En gros, on peut dire qu’il s’agit de la Tradition Byzantine. Il s’agit des pays où cette tradition a été vécue pendant des siècles – depuis presque les origines du christianisme
La divine liturgie
Dans la Tradition Orientale, la Divine Liturgie, la prière des heures et d’autres prières commencent toujours par la prière à l’Esprit Saint. Voici cette prière :
« Roi céleste, Consolateur, Esprit de vérité, partout présent et remplissant l’univers, trésor de grâce et donateur de vie, viens et demeure en nous, purifie-nous de tout péché, et sauve nos âmes, ô Dieu de bonté. »
La nourriture de notre vie spirituelle est la prière : personnelle et communautaire. Et le fondement de la prière est la liturgie, la Divine Liturgie, comme on dit en Orient. Ceci veut dire que la vie spirituelle ne peut se développer qu’à partir de la Divine Liturgie, suivie de la prière personnelle et communautaire, et cela va transformer notre vie quotidienne et lui donner un nouveau sens.
Ceci veut dire que la Divine Liturgie doit être au centre de notre attention, de notre vie. Elle doit devenir la nourriture de notre esprit, de l’esprit qui nous inspire, qui nous garde dans la vie. Elle doit être au centre de nos relations et de nos rapports, et nous guider dans tout ce que nous vivons.
On voit beaucoup de gens de la Tradition Latine qui disent en rentrant dans une église de rite oriental : pourquoi toutes ces images ? Pourquoi ces liturgies qui ne finissent pas ? Pourquoi y-a-t-il ce mur entre le prêtre et les fidèles ? Notre liturgie latine est plus simple et proche des gens. Certainement, il y aura encore beaucoup d’autres remarques. Peut-être que vous vous êtes aussi posé les mêmes questions. Mais pourquoi, dans les pays de la Tradition Latine, parler de la Tradition Orientale ? Est-ce que cela nous concerne ?
Tout cela témoigne qu’on reste toujours à l’extérieur. ¬¬Il est toujours difficile de faire ce passage de l’extérieur vers l’intérieur. L’intérieur reste un inconnu. Comme notre propre intérieur nous reste inconnu. Et souvent nous avons peur d’y entrer, n’est-ce pas? Pourquoi cela? Pourquoi ce sentiment ? Pourquoi cette crainte ?
Ce qui compte en premier, c'est d'avoir un esprit bien disposé, de s'ouvrir sans préjugés ni comparaisons, et de se laisser prendre par elle. Lorsqu'on se laisse prendre par quelque chose on oublie le temps, on ne regarde plus sa montre. Et lorsqu'on est devant Dieu, lorsqu'on est pris par l'Esprit Saint, la notion du temps est en retrait. Il est intéressant de remarquer que dans l'Orient on dit de la liturgie qu'elle est Divine: la Divine Liturgie.
Cela voudrait dire, peut-être, que le principal acteur dans la liturgie est Dieu, Lui-même. C'est Lui qui fait tout pour nous à travers son Fils et son Esprit Saint.
Dans les Eglises orientales il y a une iconostase. Vous avez déjà vu peut-être cela dans une église orientale ou bien dans un film. Cette iconostase crée une séparation. Séparation, entre quoi et quoi, entre qui et qui?
L'iconostase est-elle vraiment une séparation? Peut-être que cela dépend du regard que l'on porte sur elle.
Sur cette iconostase il y a des visages. Mais le visage peut-il faire une séparation? Bien sûr, lorsque nous n’aimons pas quelqu’un nous supportons difficilement son visage. Regarder un visage dépend de ce que l’on cherche, de ce que l’on voit derrière lui. A première vue ces visages d’iconostase ont des visages humains. Mais il y a plus. Ce sont des visages humains illuminés par le divin. Ils ne bloquent pas notre regard, n’attirent pas l’attention sur eux-mêmes, mais prolongent notre regard. A travers eux nous devinons une vie du ciel, une vie avec Dieu. Ce sont donc des visages humains qui nous rapprochent de la vie de Dieu.
Il y a aussi une porte au centre de l'iconostase. Cette porte est le lieu de communication. Si elle est fermée, elle coupe la communication ; si elle est ouverte, elle permet un échange, on peut passer à travers, rejoindre l'autre côté.
Cette porte par laquelle seul le prêtre passe s’appelle, dans la Tradition Orientale, la « porte royale » et représente le lieu de communication entre le ciel et la terre. D'un côté de l'iconostase est le ciel et de l'autre la terre. Peut-être cela voudrait dire d'une part que la communication entre les deux existe parce qu'il y a une porte, un passage, mais d'autre part cela voudrait dire, qu'on ne peut pas avoir la mainmise sur l'Autre ni exercer sa domination sur Lui. L'Autre, c'est-à-dire Dieu, nous échappe. Il est près de nous, on peut communiquer avec Lui, mais en même temps Il est à distance de nous, Il nous échappe, Il nous dépasse.
Il me semble que c'est autour de cette question que se situe la compréhension de la liturgie orientale. Dieu est grand, et si je pe
ux dire, « incompréhensiblement » grand. Alors, quelle est la conséquence de cette situation pour l'homme?
Si l'homme accepte l'incompréhensibilité de Dieu, cela suppose qu'il reconnaît sa petitesse, qu'il n'est pas tout-puissant, qu'il dépend d'un Autre, qu'il est pécheur. Mais l'homme d'aujourd'hui peut-il reconnaître sa petitesse ? Peut-il accepter qu'il soit pécheur? Ne se sent-il pas très grand et très puissant? Sa raison ne veut-elle pas tout dominer, tout expliquer? Même Dieu est explicable.
Il me semble que le cœur de la liturgie orientale se situe justement là. Elle nous découvre la grandeur de Dieu et l'état pécheur de l'homme. Dieu seul, en s'abaissant, peut nous sauver. C'est pourquoi pendant cette liturgie on se sent dans la proximité de Dieu, près de Sa Sainteté ; on est dans la Divine Liturgie.
La première partie est considérée comme la liturgie des catéchumènes. Ici l'accent est mis sur la Parole de Dieu. Elle ressemble dans sa structure à la liturgie des fidèles qui forme la seconde partie. Avec la Parole de Dieu se déroule le même processus qu'avec le Pain et le Vin de la liturgie des fidèles. Les fidèles vont communier au Corps et au Sang du Christ, les catéchumènes communient à la Parole du Dieu.
La Parole de Dieu (Evangéliaire) va être portée par le prêtre dans la Petite Entrée. (il faut dire aussi que l'Evangéliaire reste toujours sur l'autel; il ne le quitte jamais, comme le Corps du Christ dans le tabernacle). Devant cette Parole de Dieu, au prêtre qui dit : « Sagesse. Debout », l'assistance répond : « Venez, adorons, prosternons-nous devant le Christ; Fils de Dieu, admirable dans les saints, sauve-nous qui Te chantons : Alléluia! »
Pour se préparer à entendre la Parole de Dieu l'assistance chante le Trisagion, c'est-à-dire la Sainteté de Dieu en disant: « Dieu Saint, Saint Fort, Saint Immortel, prends pitié de nous ». Après cela, avec l'écoute de l'Evangile, les catéchumènes vont communier à la Parole de Dieu. Dieu se donne dans la Parole. Jésus Christ, dans l'Evangile de Jean, ne dit pas seulement : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle… » (Jn 6,34) mais aussi : « Celui qui écoute ma parole et croit en Celui qui m'a envoyé, a la vie éternelle… » (Jn 5,24).
Dans notre église de Plovdiv, il y a toujours quelques fidèles qui viennent devant le prêtre qui lit l’Evangile, ils ont la tête courbée pendant la lecture. A la fin, lorsque le prêtre a terminé la lecture, ils baisent l’Evangéliaire. Cela représente aussi cette communion à la Parole de Dieu. Ce qui veut dire que l’écoute de la Parole de Dieu est une sorte de communion.
Il faut dire que dans la Tradition Orientale, l’autel présente le tombeau du Christ. Lorsque le prêtre dépose les dons, il les couvre avec une petite nappe qui présente le suaire (linceul). On y dépose le Christ, et avec l’action de l’Esprit Saint, lorsque le prêtre, pendant le Credo, va prendre en main ce suaire et le lever en l’air, il présente la descente de l’Esprit Saint qui donne la vie à ces dons.
Maintenant, tout est prêt pour l'anaphore (c’est un mot grec qui veut dire: offrande, présentation vers le haut). C'est la prière centrale de la Divine Liturgie, prière de « remerciement » (en grec, « eucharistia »).
Elle est faite en trois parties. La première partie est une prière de remerciement pour la création s'adressant au Père (elle correspond, si l'on peut dire, à la préface dans la liturgie latine). La deuxième partie est un mémorial reconnaissant (« anamnèse ») de l'œuvre libératrice du Fils (elle correspond aux paroles de consécration). Et troisième partie une invocation (« épiclèse ») pour la descente de l'Esprit Saint. Tous ces remerciements font que la Divine Liturgie est une eucharistie: un merci adressé à la Sainte Trinité. (A ce propos, vous allez remarquer que pendant toute la liturgie les prières se terminent par une louange à la Sainte Trinité.
Chaque fois qu’un membre de la Sainte Trinité est nommé, il y a derrière lui, ou avec lui l'action des deux autres). Il faut souligner aussi l'importance de l'Esprit Saint dans la liturgie orientale. C'est dans l'épiclèse que se termine la consécration. C'est l'Esprit Saint qui rend effectives les paroles du Christ: ceci est Mon Corps, ceci est Mon Sang. Comme dit la catéchèse orthodoxe intitulée « Dieu est Vivant » :
« Il faut que ce même Esprit qui rendit la Parole présente dans le sein de Marie le jour de l'Annonciation et dans le sein de l'Eglise le jour de la Pentecôte la rende présente dans le sein de l'Assemblée eucharistique aujourd'hui. C'est par cette présence du Verbe que cette assemblée devient Corps du Christ, Eglise. » (page 325).
Ensuite vient la Fraction du Pain qui imite le geste du Christ. Cette fraction est précédée par le Notre Père qui dit l'unité de tous autour du même Père. Et avant de rompre le pain, le prêtre dit : Aux saints les choses saintes. C'est la communion: l'aboutissement, l'accomplissement et la raison d'être de toute la célébration. La catéchèse orthodoxe Dieu est Vivant dit à ce propos:
« Le Dieu fait chair va diviniser leur chair; le Feu immatériel de la divinité – qui, jadis, enflammait le Buisson ardent et qui était descendu sous l'aspect de langues de feu sur l'assemblée des Apôtres – le Feu qui tout à l'heure s'était emparé du Pain et du Vin, va maintenant s'étendre et enflammer les communiants, leurs corps et leurs cœurs, et tous ensemble ils vont chanter : Nous avons vu la vraie Lumière, nous avons reçu l'Esprit céleste, nous avons trouvé la foi véritable; adorons l’indivisible Trinité, car c’est Elle qui nous a sauvés. » (page 329-330)
Suivent, après la communion, quelques prières de remerciement pour cette transformation opérée dans les fidèles:
« Que nos lèvres soient remplies de Ta louange, Seigneur, pour que nous chantions Ta gloire, car Tu nous as jugés dignes de participer à Tes saints, divins, immaculés et vivifiants mystères; confirme-nous dans Ta sainteté pour que, tout le jour, nous méditions Ta vérité: Alléluia, Alléluia, Alléluia. »
Comme on peut le constater, toute la liturgie est débordante du Mystère de Dieu, de la Sainte Trinité et de son action. Elle nous déborde de tous les côtés, nous dépasse. Alors que faut-il faire? Il suffit de se laisser prendre par elle.
Et pour terminer, on peut dire que la Tradition Latine met l’accent sur l’humanité du Christ, et la Tradition Orientale sur sa divinité. Est-ce que à cause de cela que l’on a fait la division ? Peut-on rester fidèle à un Christ déchiré ? Et dans ces conditions peut-on s’appeler encore « chrétiens » ?
En gros, on peut dire qu’il s’agit de la Tradition Byzantine. Il s’agit des pays où cette tradition a été vécue pendant des siècles – depuis presque les origines du christianisme
La divine liturgie
L’Esprit Saint dans la tradition orientale
Ce qu’il faut souligner, c’est le rôle très important de l’Esprit Saint dans la Tradition Orientale. En ne connaissant que la Tradition Latine, jusqu’à mon arrivée dans la Tradition Orientale, le rôle de l’Esprit Saint ne me paraissait pas très évident. Je dirais même que j’oubliais facilement son rôle dans la Sainte Trinité et son agir dans le monde, et cela sans m’en rendre compte. C’est seulement en rentrant dans la Tradition Orientale que j’ai découvert l’Esprit Saint et son rôle très important, son influence. On peut peut-être se demander pourquoi dans la Tradition Latine son rôle reste un peu dans l’ombre ? D’où cela provient-il ? Pourquoi a-t-on facilement oublié son action dans le monde et dans l’Église ?Dans la Tradition Orientale, la Divine Liturgie, la prière des heures et d’autres prières commencent toujours par la prière à l’Esprit Saint. Voici cette prière :
« Roi céleste, Consolateur, Esprit de vérité, partout présent et remplissant l’univers, trésor de grâce et donateur de vie, viens et demeure en nous, purifie-nous de tout péché, et sauve nos âmes, ô Dieu de bonté. »
La nourriture de notre vie spirituelle est la prière : personnelle et communautaire. Et le fondement de la prière est la liturgie, la Divine Liturgie, comme on dit en Orient. Ceci veut dire que la vie spirituelle ne peut se développer qu’à partir de la Divine Liturgie, suivie de la prière personnelle et communautaire, et cela va transformer notre vie quotidienne et lui donner un nouveau sens.
Ceci veut dire que la Divine Liturgie doit être au centre de notre attention, de notre vie. Elle doit devenir la nourriture de notre esprit, de l’esprit qui nous inspire, qui nous garde dans la vie. Elle doit être au centre de nos relations et de nos rapports, et nous guider dans tout ce que nous vivons.
On voit beaucoup de gens de la Tradition Latine qui disent en rentrant dans une église de rite oriental : pourquoi toutes ces images ? Pourquoi ces liturgies qui ne finissent pas ? Pourquoi y-a-t-il ce mur entre le prêtre et les fidèles ? Notre liturgie latine est plus simple et proche des gens. Certainement, il y aura encore beaucoup d’autres remarques. Peut-être que vous vous êtes aussi posé les mêmes questions. Mais pourquoi, dans les pays de la Tradition Latine, parler de la Tradition Orientale ? Est-ce que cela nous concerne ?
Tout cela témoigne qu’on reste toujours à l’extérieur. ¬¬Il est toujours difficile de faire ce passage de l’extérieur vers l’intérieur. L’intérieur reste un inconnu. Comme notre propre intérieur nous reste inconnu. Et souvent nous avons peur d’y entrer, n’est-ce pas? Pourquoi cela? Pourquoi ce sentiment ? Pourquoi cette crainte ?
Ma découverte de la tradition orientale
Si je dis tout cela c’est que c’était aussi ma vision des choses avant de venir en Bulgarie, avant de m’ouvrir à cette autre spiritualité. Et je vois maintenant combien elle m’a ouvert les yeux, combien elle a ouvert un grand horizon devant moi. En découvrant cette spiritualité orientale, que je continue à découvrir, je peux dire que j’ai compris ce que veut dire « respirer avec les deux poumons » dont nous parlait le pape Jean-Paul II. En rentrant dans cette Tradition je n’ai pas trahi la mienne, mais au contraire, j’ai approfondi la Tradition dans laquelle je vivais jusqu’à présent.Ce qui compte en premier, c'est d'avoir un esprit bien disposé, de s'ouvrir sans préjugés ni comparaisons, et de se laisser prendre par elle. Lorsqu'on se laisse prendre par quelque chose on oublie le temps, on ne regarde plus sa montre. Et lorsqu'on est devant Dieu, lorsqu'on est pris par l'Esprit Saint, la notion du temps est en retrait. Il est intéressant de remarquer que dans l'Orient on dit de la liturgie qu'elle est Divine: la Divine Liturgie.
Cela voudrait dire, peut-être, que le principal acteur dans la liturgie est Dieu, Lui-même. C'est Lui qui fait tout pour nous à travers son Fils et son Esprit Saint.
Dans les Eglises orientales il y a une iconostase. Vous avez déjà vu peut-être cela dans une église orientale ou bien dans un film. Cette iconostase crée une séparation. Séparation, entre quoi et quoi, entre qui et qui?
L'iconostase est-elle vraiment une séparation? Peut-être que cela dépend du regard que l'on porte sur elle.
Sur cette iconostase il y a des visages. Mais le visage peut-il faire une séparation? Bien sûr, lorsque nous n’aimons pas quelqu’un nous supportons difficilement son visage. Regarder un visage dépend de ce que l’on cherche, de ce que l’on voit derrière lui. A première vue ces visages d’iconostase ont des visages humains. Mais il y a plus. Ce sont des visages humains illuminés par le divin. Ils ne bloquent pas notre regard, n’attirent pas l’attention sur eux-mêmes, mais prolongent notre regard. A travers eux nous devinons une vie du ciel, une vie avec Dieu. Ce sont donc des visages humains qui nous rapprochent de la vie de Dieu.
Il y a aussi une porte au centre de l'iconostase. Cette porte est le lieu de communication. Si elle est fermée, elle coupe la communication ; si elle est ouverte, elle permet un échange, on peut passer à travers, rejoindre l'autre côté.
Cette porte par laquelle seul le prêtre passe s’appelle, dans la Tradition Orientale, la « porte royale » et représente le lieu de communication entre le ciel et la terre. D'un côté de l'iconostase est le ciel et de l'autre la terre. Peut-être cela voudrait dire d'une part que la communication entre les deux existe parce qu'il y a une porte, un passage, mais d'autre part cela voudrait dire, qu'on ne peut pas avoir la mainmise sur l'Autre ni exercer sa domination sur Lui. L'Autre, c'est-à-dire Dieu, nous échappe. Il est près de nous, on peut communiquer avec Lui, mais en même temps Il est à distance de nous, Il nous échappe, Il nous dépasse.
Il me semble que c'est autour de cette question que se situe la compréhension de la liturgie orientale. Dieu est grand, et si je pe
ux dire, « incompréhensiblement » grand. Alors, quelle est la conséquence de cette situation pour l'homme?
Si l'homme accepte l'incompréhensibilité de Dieu, cela suppose qu'il reconnaît sa petitesse, qu'il n'est pas tout-puissant, qu'il dépend d'un Autre, qu'il est pécheur. Mais l'homme d'aujourd'hui peut-il reconnaître sa petitesse ? Peut-il accepter qu'il soit pécheur? Ne se sent-il pas très grand et très puissant? Sa raison ne veut-elle pas tout dominer, tout expliquer? Même Dieu est explicable.
Il me semble que le cœur de la liturgie orientale se situe justement là. Elle nous découvre la grandeur de Dieu et l'état pécheur de l'homme. Dieu seul, en s'abaissant, peut nous sauver. C'est pourquoi pendant cette liturgie on se sent dans la proximité de Dieu, près de Sa Sainteté ; on est dans la Divine Liturgie.
Liturgie de la Parole de Dieu
Maintenant, on peut entrer dans la liturgie même. Elle a la même structure que la liturgie latine. Mais peut-être avec certains accents plus forts.La première partie est considérée comme la liturgie des catéchumènes. Ici l'accent est mis sur la Parole de Dieu. Elle ressemble dans sa structure à la liturgie des fidèles qui forme la seconde partie. Avec la Parole de Dieu se déroule le même processus qu'avec le Pain et le Vin de la liturgie des fidèles. Les fidèles vont communier au Corps et au Sang du Christ, les catéchumènes communient à la Parole du Dieu.
La Parole de Dieu (Evangéliaire) va être portée par le prêtre dans la Petite Entrée. (il faut dire aussi que l'Evangéliaire reste toujours sur l'autel; il ne le quitte jamais, comme le Corps du Christ dans le tabernacle). Devant cette Parole de Dieu, au prêtre qui dit : « Sagesse. Debout », l'assistance répond : « Venez, adorons, prosternons-nous devant le Christ; Fils de Dieu, admirable dans les saints, sauve-nous qui Te chantons : Alléluia! »
Pour se préparer à entendre la Parole de Dieu l'assistance chante le Trisagion, c'est-à-dire la Sainteté de Dieu en disant: « Dieu Saint, Saint Fort, Saint Immortel, prends pitié de nous ». Après cela, avec l'écoute de l'Evangile, les catéchumènes vont communier à la Parole de Dieu. Dieu se donne dans la Parole. Jésus Christ, dans l'Evangile de Jean, ne dit pas seulement : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle… » (Jn 6,34) mais aussi : « Celui qui écoute ma parole et croit en Celui qui m'a envoyé, a la vie éternelle… » (Jn 5,24).
Dans notre église de Plovdiv, il y a toujours quelques fidèles qui viennent devant le prêtre qui lit l’Evangile, ils ont la tête courbée pendant la lecture. A la fin, lorsque le prêtre a terminé la lecture, ils baisent l’Evangéliaire. Cela représente aussi cette communion à la Parole de Dieu. Ce qui veut dire que l’écoute de la Parole de Dieu est une sorte de communion.
L’offrande du Pain et du Vin
La deuxième partie de la liturgie commence, après une prière de préparation, avec ce qu'on appelle la Grande Entrée. C'est le moment où le prêtre porte le pain et le vin à travers l'assemblée et les présente à l'évêque qui les pose sur la sainte Table. Dans cette « montée » vers le Sanctuaire il y a les offrandes de tout le peuple. Le Pain et le Vin, offerts au nom de tout le peuple, signes du Corps et du Sang du Christ, présentent la montée de Celui-ci au Golgotha. C'est là qu'on évoque les paroles du Bon Larron : « Souviens-toi de moi Seigneur quand tu entreras dans Ton Royaume ». A travers ces dons tous les fidèles s'offrent « en offrandes vivantes, saintes et agréables à Dieu » (Rm. 12,1).Il faut dire que dans la Tradition Orientale, l’autel présente le tombeau du Christ. Lorsque le prêtre dépose les dons, il les couvre avec une petite nappe qui présente le suaire (linceul). On y dépose le Christ, et avec l’action de l’Esprit Saint, lorsque le prêtre, pendant le Credo, va prendre en main ce suaire et le lever en l’air, il présente la descente de l’Esprit Saint qui donne la vie à ces dons.
Maintenant, tout est prêt pour l'anaphore (c’est un mot grec qui veut dire: offrande, présentation vers le haut). C'est la prière centrale de la Divine Liturgie, prière de « remerciement » (en grec, « eucharistia »).
Elle est faite en trois parties. La première partie est une prière de remerciement pour la création s'adressant au Père (elle correspond, si l'on peut dire, à la préface dans la liturgie latine). La deuxième partie est un mémorial reconnaissant (« anamnèse ») de l'œuvre libératrice du Fils (elle correspond aux paroles de consécration). Et troisième partie une invocation (« épiclèse ») pour la descente de l'Esprit Saint. Tous ces remerciements font que la Divine Liturgie est une eucharistie: un merci adressé à la Sainte Trinité. (A ce propos, vous allez remarquer que pendant toute la liturgie les prières se terminent par une louange à la Sainte Trinité.
Chaque fois qu’un membre de la Sainte Trinité est nommé, il y a derrière lui, ou avec lui l'action des deux autres). Il faut souligner aussi l'importance de l'Esprit Saint dans la liturgie orientale. C'est dans l'épiclèse que se termine la consécration. C'est l'Esprit Saint qui rend effectives les paroles du Christ: ceci est Mon Corps, ceci est Mon Sang. Comme dit la catéchèse orthodoxe intitulée « Dieu est Vivant » :
« Il faut que ce même Esprit qui rendit la Parole présente dans le sein de Marie le jour de l'Annonciation et dans le sein de l'Eglise le jour de la Pentecôte la rende présente dans le sein de l'Assemblée eucharistique aujourd'hui. C'est par cette présence du Verbe que cette assemblée devient Corps du Christ, Eglise. » (page 325).
Ensuite vient la Fraction du Pain qui imite le geste du Christ. Cette fraction est précédée par le Notre Père qui dit l'unité de tous autour du même Père. Et avant de rompre le pain, le prêtre dit : Aux saints les choses saintes. C'est la communion: l'aboutissement, l'accomplissement et la raison d'être de toute la célébration. La catéchèse orthodoxe Dieu est Vivant dit à ce propos:
« Le Dieu fait chair va diviniser leur chair; le Feu immatériel de la divinité – qui, jadis, enflammait le Buisson ardent et qui était descendu sous l'aspect de langues de feu sur l'assemblée des Apôtres – le Feu qui tout à l'heure s'était emparé du Pain et du Vin, va maintenant s'étendre et enflammer les communiants, leurs corps et leurs cœurs, et tous ensemble ils vont chanter : Nous avons vu la vraie Lumière, nous avons reçu l'Esprit céleste, nous avons trouvé la foi véritable; adorons l’indivisible Trinité, car c’est Elle qui nous a sauvés. » (page 329-330)
Suivent, après la communion, quelques prières de remerciement pour cette transformation opérée dans les fidèles:
« Que nos lèvres soient remplies de Ta louange, Seigneur, pour que nous chantions Ta gloire, car Tu nous as jugés dignes de participer à Tes saints, divins, immaculés et vivifiants mystères; confirme-nous dans Ta sainteté pour que, tout le jour, nous méditions Ta vérité: Alléluia, Alléluia, Alléluia. »
Comme on peut le constater, toute la liturgie est débordante du Mystère de Dieu, de la Sainte Trinité et de son action. Elle nous déborde de tous les côtés, nous dépasse. Alors que faut-il faire? Il suffit de se laisser prendre par elle.
Et pour terminer, on peut dire que la Tradition Latine met l’accent sur l’humanité du Christ, et la Tradition Orientale sur sa divinité. Est-ce que à cause de cela que l’on a fait la division ? Peut-on rester fidèle à un Christ déchiré ? Et dans ces conditions peut-on s’appeler encore « chrétiens » ?
Petar LJUBAS
Augustin de l’Assomption
Plovdiv (Bulgarie)
[1] Le Père Petar Ljubas est assomptionniste, de la communauté de Plovdiv (Bulgarie). Il est depuis 15 ans au service de l’Eglise catholique de rite byzantin.Augustin de l’Assomption
Plovdiv (Bulgarie)